20•Gödel, chauves-souris, pangolins et virus

20•Gödel, chauves-souris, pangolins et virus

Épisode 20, Covid-19, mai 2020

Le théorème de Gödel

Pourra-t-on un jour trancher de manière définitive entre l’idée que le nouveau virus SARS-CoV-2 est le résultat d’une mutation naturelle ? Cette thèse est actuellement défendue par une majorité de scientifique à l’heure où j’écris. S’agit-il au contraire d’une chimère artificielle crée en laboratoire ? C’est l’antithèse défendue par Luc Montagnier et une poignée d’autres chercheurs. En fait, la nature sera toujours plus maline que le plus malin des chercheurs, notre cher Didier Raoult y compris. C’est bien la seule chose dont on soit absolument certain. Je parle ici du célèbre théorème de Gödel. Ce théorème présuppose que l’on pose un cadre de pensée basé sur l’emploi de l’arithmétique (nombres). Dès lors, ce cadre sera toujours trop étroit pour couvrir toutes les possibilités.

Bref, il y aura, quoique que l’on fasse, toujours des propositions dites indécidables au sein du cadre posé. Indécidable signifie qu’une proposition peut être soit à la fois vraie et fausse, ou bien ni vraie, ni fausse. La seule solution pour trancher entre les propositions indécidables du cadre numéro (n), est de poser un nouveau cadre (n+1). Ceci élargit le cadre précédent. Les anciennes propositions indécidables ne le sont donc plus et deviennent soit vraies, soit fausses, deux possibilités mutuellement exclusives. A-t-on progressé pour autant ? En fait pas vraiment, car suite à la dilatation du cadre, de nouvelles propositions totalement inédites apparaissent. Ces propositions seront bien sûr indécidables dans ce nouveau cadre (n+1). D’où un autre cadre (n+2) encore plus large qui lève les contradictions du cadre (n+1). Et bien sûr qui amène de nouvelles propositions indécidables sur le tapis.

Vrai ou faux ?

L’évocation de ce théorème de Gödel peut tout à fait donner la nausée. C’est tout à fait normal, car cet emboîtement de cadres basés sur l’emploi l’arithmétique n’a pas de fin. La seule manière d’échapper à un tel enfer, c’est en fait d’arrêter de se poser des questions. Les questions du style : “Ai-je raison ?”, ou bien “Ai-je tort ?”, sont en effet d’ordre numérique. Car, il suffit d’associer la valeur 1 à réponse “oui” et la valeur 0 à la réponse “non”. Suite à cette symbolisation, on retombe sous la coupe de l’arithmétique et de son théorème infernal…

Que peut bien signifier tout cela dans le contexte actuel ? Eh bien que les certitudes n’existent pas. Tous ceux qui démarrent leur phrase par des expressions comme : «Il est sûr et certain que… », «Il est scientifiquement prouvé que… » ou «Il est impossible que… » feraient mieux de se taire. Le simple fait de prononcer de telles phrases les disqualifient d’office comme étant des interlocuteurs neutres et impartiaux. Le fait d’avoir besoin d’utiliser de tels mots révèle que ces personnes ont une thèse à faire valoir (leur vérité). Leur but est donc clairement de démontrer la fausseté des antithèses.

Certitudes et peurs

Car notre cerveau adore les certitudes et déteste les incertitudes. Si on lui laisse le choix, il se précipitera immédiatement vers la rassurante certitude pour fuir l’inquiétante incertitude. L’amour des certitudes est de fait le mécanisme de base de la peur. La peur y trouve ici sa racine la plus profonde. D’où ma solution (très simple)  pour ne jamais avoir peur : adorer et cultiver l’incertitude. C’est la physique quantique qui suggère bien sûr cette solution. Car cette science met l’incertitude, le flou, au cœur même de son formalisme mathématique. Le flou est donc salvateur. Il permet non seulement ne plus avoir peur, mais aussi d’échapper au sinistre théorème de Gödel.

Si le cadre devient flou, l’obsession quasi maladive pour les certitudes s’évanouit. Le fait qu’il existe des propositions indécidables laisse alors complètement indifférent. On mesure ainsi l’incommensurable crétinerie de ceux qui veulent savoir si l’hydroxychloroquine est efficace ou pas. Car selon le théorème de Gödel, une seule bonne réponse est possible : «p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non». C’est l’ancienne loi normande (ou québecoise ?) pleine de bon sens. Quiconque ayant signé un marché peut le rectifier ou l’annuler dans les vingt-quatre heures qui suivent sa signature (source Wiktionnaire). Du flou, vous dis-je, toujours du flou et encore du flou. On devient ainsi heureux et on laisse ses peurs au vestiaire. 

La trilogie

Je vois bien sûr se profiler ici la question qui tue. Car si tout est flou, comment prendre alors des décisions utiles ? Rassurez-vous, la nature a pensé à tout. Il suffit pour cela de se servir de cet outil formidable que l’on appelle l’intuition. L’intuition est en effet un antidote universel au théorème de Gödel. On retrouve ici la structure tripartite fondamentale de l’être humain : cerveau (certitudes)…cœur (intuition)…tripes (peurs), calquée sur la trilogie : thèse… synthèse… antithèse. Voici la recette infaillible en trois étapes.

J’analyse en premier lieu la situation en termes de certitudes (thèses). Puis je barbouille de flou le tableau pour éradiquer les peurs que cela génère immanquablement (antithèses). En dernier lieu, je fais appel, in fine, appel à mon intuition. Ceci me permet de réaliser une synthèse sur laquelle des actions peuvent être entreprises. On peut se convaincre de cela en manipulant un microscope. Cela marche aussi avec un appareil photo muni d’un téléobjectif. En effet, pour avoir un sujet observé perçu clair et net, il est impératif que l’arrière-plan soit flou. Réciproquement, si l’on souhaite un arrière-plan clair et net, tout ce qui se trouve au premier plan sera flou.

Du beurre et des sous

C’est la version artistique du théorème de Gödel. Dans sa version économique, cela signifie qu’il est impossible «d’avoir le beurre et l’argent du beurre ». Car il ne faut jamais perdre de vue que le beurre, comme l’argent, peuvent fondre très facilement et rapidement. Le problème évidemment est qu’à l’école, on nous a appris à avoir une tête sur développée. C’est précisément cela qui génère des peurs très angoissantes. La voie intuitive du cœur, la seule qui permette de vivre heureux et sans peurs, est alors étouffée.

Bien malheureux donc celui qui pense de manière volontaire avec sa tête. Il ne peut alors que réagir de manière involontaire avec ses tripes sans jamais passer par le cœur. Bien heureux, celui qui laisse les idées simplement germer dans son esprit. Il n’a ainsi pas besoin de réagir aux peurs qu’elles ne manqueront pas d’induire. Il devra donc toujours utiliser son cœur pour réagir, de manière convenable et mesurée, en fonction de la situation rencontrée. 

Méditer et vieillir

Tout le contraire de ce que l’on voit à la télévision. Ici, combien de débats interminables où certains, ancrés dans leurs certitudes, attisent des peurs viscérales chez d’autres. Le résultat ? Une belle cacophonie qui fait bien sûr grimper l’audimat. Le pire dans tout cela, c’est que plus on souffre, plus l’on est malheureux. Comme il est difficile de faire parler son cœur, cela amène encore plus de malheurs et de souffrance. Siddhārtha Gautama avait déjà compris cela. Grâce à la méditation qui est la voie royale pour ouvrir le cœur. On peut ainsi sortir de la spirale infernale liée au ping-pong incessant entre la tête et les tripes.

Bien évidemment, tout ceci est plus facile à dire qu’à mettre en œuvre et nécessite donc un long apprentissage. C’est d’ailleurs ce qui forme le socle de la sagesse acquise par les personnes âgées. Ces dernières ont en effet eu largement le temps d’expérimenter la vanité des raisonnements intellectuels. Ils ont aussi pu constater les terribles effets des actions gouvernées par les tripes. La vieillesse vous déphase par rapport à ceux qui s’activent frénétiquement. C’est ce qui pousse le cœur à s’ouvrir spontanément. Ceci, à condition bien sûr d’avoir évacué le trop-plein de certitudes de son cerveau. Sans oublier d’avoir, un tant soit peu, maîtrisé ses peurs. L’intuition se manifeste alors et permet donc de résoudre au mieux n’importe quelle sollicitation intérieure ou extérieure. 

Génomique

Donc revenons à notre virus SARS-CoV-2. Inutile de parler des peurs intestinales qu’il provoque, car elles s’étalent à foison dans les médias et sur internet. Quid de son origine sur un plan intellectuel et donc scientifique ? Je vous invite à regarder l’image qui accompagne cette chronique. Elle vous dévoile sans pudeur aucune le génome complet de notre Mr. Loyal viral.

De gauche à droite on progresse depuis le bout phosphate (5’) de position zéro vers le bout ribose (3’). Ce bout est localisé 30 000 bases après la position zéro. La segmentation selon plusieurs cadres ouverts de lecture (ORFs) est représentée tout en haut. De bas en haut, on trouve un indice de similarité qui varie entre 0 et 1. Un chiffre 0 signifie qu’il n’y a aucune similitude. Le chiffre 1 que la similitude est parfaite. Le deuxième diagramme est similaire au premier. Sauf que l’on a fait un zoom sur la protéine S. Car c’est par elle que le virus vient s’accrocher sur les postes frontières ACE2 présents dans notre corps. La lecture des chroniques précédentes est ici vivement recommandée pour comprendre la terminologie employée.

Similarités

Les couleurs représentent quant à elles les génomes les plus proches du génome de référence SARS-CoV-2. Via de telles courbes, on peut calculer un indice global de similarité S. Les génomes de coronavirus isolés chez des chauves-souris sont en bleu, rouge, gris et orange. Les indices de similarité valent respectivement 93.3 % (bleu), 96.2 % (rouge), 87.99 % (gris) et 87.23 % (orange). La courbe rouge-foncé est celle d’un virus SARS-CoV responsable de la première épidémie de 2003. Plus les courbes sont plates, plus les virus sont génétiquement proches les uns des autres. Le virus RmYNO2 de la chauve-souris présente ainsi une similarité quasi parfaite (S = 97.2 %) au niveau du gène 1ab. Par contre, il est clair que SARS-CoV présente d’énormes différences. Ceci ne peut que suggérer que ces deux virus sont étrangers l’un à l’autre.

Reste donc nos braves chauves-souris comme incubateurs potentiels des coronavirus. Elles ne peuvent toutefois infecter l’homme. Il y a en effet de trop grandes différences dans la région codant pour la protéine S. On a donc cherché parmi d’autres espèces, un génome de séquence codante RBD (la tête chercheuse du site ACE2) similaire. Regardez donc les courbes bleu-marine et verte du deuxième graphe. Elles montrent que ce sont bien deux génomes de virus infectant les pangolins qui remportent le jackpot.

D’où le consensus actuel qu’un pangolin s’est goinfré un virus de chauve-souris. Par croisement naturel, la tête chercheuse inefficace de RmYNO2 a été supprimée. Pour boucher le trou béant, la nature a utilisé celle, très efficace, d’un virus MP789/2019 de pangolin. Car les virus à ARN sont, c’est bien connu, les rois de la partouze.

Cent millions de Chinois…

Ensuite un « méchant » chinois est venu faire ses courses sur l’abominable marché de Wuhan. Car, paraît-il, où se trouvent des tas d’animaux sauvages à vendre dans les marchés chinois. Il a bien sûr mangé le « vilain » pangolin. Car, en Chine, on mange “Tout ce qui a quatre pattes sauf les tables. Tout ce qui nage sauf les bateaux. Et bien sûr tout ce qui vole sauf les avions“. Y compris d’ailleurs des espèces rares prisées pour leurs supposées vertus thérapeutiques. Ce qui rend ce marché suspect, c’est que l’on y vend en particulier des civettes. Ces animaux semblent avoir joué pour le virus de 2003, le même rôle d’entremetteur que les pangolins. Eux s’étaient réservé le cru viral 2019.

L’histoire est donc belle et logique pour la tête. Elle est aussi parfaite pour une réaction viscérale avec tous ces animaux dégoûtants. Plus la touche finale et légère d’un racisme anti-chinois de fond. Certes, mais qu’en dit le cœur ? Le mien dit que cela est trop beau pour être vrai. Ce n’est bien sûr qu’une intuition. Je sais aussi que l’on dispose des ciseaux CRISPR/Cas9. Il y a aussi le courage sans bornes d’un Luc Montagnier. Surtout, l’ego humain est apparemment sans limites. Bref, la balance penche en faveur d’un bidouillage, certes techniquement très propre, mais quand même assez malsain. 

Par Marc HENRY

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