Parménide et l’être
Qu’est-ce que le vide ? Tout commence avec une tautologie énoncée par Parménide d’Élée qui traumatise encore de nos jours notre manière de penser : « L’être, est et le non-être n’est pas ». En effet, si l’être changeait, explique-t-il, il deviendrait ce qu’il n’est pas. Il participerait donc du non-être. Ce qui est impossible, puisque le non-être n’est pas. Parménide en conclut que l’être est unique et immuable, donc intemporel. Le monde changeant que nous observons n’est que l’apparence fugace d’un monde réel qui, lui, ne connaît pas le moindre changement. La thèse éléate de la négation du non-être allait bien évidemment susciter plusieurs réactions.
Empédocle d’Agrigente
Par exemple, le système d’Empédocle d’Agrigente [1] nie l’existence du vide. Il sauve néanmoins les apparences en remplaçant l’Un invariable de Parménide par une réalité quadruple (feu, air, eau et terre). On définit ainsi 4 éléments (selon la terminologie de Platon et Aristote). Ces éléments se trouvent être « racines de toutes choses ». Chaque racine accusant la propriété parménidienne de l’invariance quantitative. Ils sont associés de manière très intime à ces racines. Leur rôle est d’apporter l’impulsion nécessaire au mouvement sans lequel toute création serait impossible.
Empédocle considère également deux « causes productrices » complémentaires expliquant la transformation des racines : l’Amour et la Haine. L’Amour réunit le multiple en un. Tandis que la Haine divise l’un en multiple. L’Amour règne sur le Sphairos, c’est-à-dire la sphère de ce qui est intelligible. La Haine règne pour sa part sur le Cosmos, c’est-à-dire le monde sensible.
Il y a un problème dans cette philosophie soulevé par Aristote de Stagire. C’est celui de savoir si le stade du tout unifié de la Sphère et celui de la multiplicité du monde divisé existent alternativement. Ou bien alors, existent simultanément. Avec existence permanente d’un ordre et d’une harmonie immuables – l’Un – derrière la structure du monde en devenir. On retrouve donc ici l’interprétation néoplatonicienne.
Zénon d’Élée et Leucippe de Milet
Zénon d’Élée allait se charger de riposter à ces réactions contre la thèse de l’Un parménidien. Il utilisa pour cela ses fameux paradoxes démontrant l’impossibilité du mouvement. Et, donc du vide, puisque sans vide, il ne peut y avoir de mouvement. On voit donc que le problème de l’origine du mouvement était l’une des préoccupations majeures de la physique grecque présocratique. Tous sont hantés par la question de vie ou de mort de l’univers puisque le monde continue visiblement à fonctionner malgré l’usure continuelle liée au mouvement des choses.
Pour résoudre ce problème crucial, Leucippe de Milet va répondre à l’éléatisme en accordant l’existence au non-être. Ainsi, sa philosophie distribuait les propriétés de l’être sur une pluralité d’atomes infiniment nombreux. Ces atomes étaient libres de se mouvoir dans le vide illimité. Leucippe refusait, en dessous d’une certaine limite, de formuler une hypothèse restrictive sur la forme et la taille des atomes. Ceci a pour conséquence directe l’existence réelle, dans son univers infini, de toutes les formes d’atomes que la pensée peut concevoir. Cela entraîne donc la nécessité de grouper cette quantité infinie de corpuscules en un nombre infini de mondes.
Anaxagore de Clazomènes
Anaxagore de Clazomènes va comme Leucippe supposer que ce n’est pas la restitution des énergies qui assure une présence cosmologique illimitée. Toutefois, contrairement à Leucippe, il veut conserver la représentation d’un monde unique. Un monde qui ne se répète pas dans le temps et dans l’espace comme chez Empédocle. Afin de récupérer les pertes subies par le monde, il fallait donc, pour le faire durer, faire appel aux ressources inépuisables de l’infini. Toutefois, cet infini ne pouvait être celui de Leucippe. Au contraire, il se devait de tenir dans les bornes d’un monde unique et fini.
C’est pour cette raison qu’Anaxagore ne plaça pas les ressources du devenir cosmique dans l’impossibilité physique d’atteindre le terme de l’infiniment grand comme chez Leucippe. Il le plaça dans un infini de petitesse. De manière à trouver la cause de la durée illimitée de l’existence cosmique dans l’impossibilité physique d’atteindre le terme de la progression dans l’infiniment petit.
Références
[1] A. Stevens, « La physique d’Empédocle selon Simplicius », Revue belge de philologie et d’histoire, 67 (1989) 65-74.
[2] C. Mugler, « Le problème d’Anaxagore », Revue des Études Grecques, 69 (1956) 314-376.
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