Eau primordiale

Eau primordiale

Formation de l’hydrosphère terrestre

D’où provient toute l’eau de l’hydrosphère terrestre ? Bonne question qui turlupine l’astrophysique et la géophysique depuis bon nombre d’années. En science, on appelle « eau primordiale » toute forme d’eau créée par le cosmos lui-même. Ceci à partir d’atomes d’hydrogène et d’oxygène générés au sein du cœur des étoiles. Atomes enfin dispersés dans tout l’univers suite à leurs explosions par pression gravitationnelle. Ce sont ces mêmes eaux primordiales que l’on retrouve aussi dans tous les mythes religieux de création et d’apparition de la vie sur Terre. Dans cette page et celles qui lui sont liées, je donne la vision scientifique basée sur l’excellent article de Daniele L. Pinti [1]. La vision mythologique est, pour sa part, abordée dans un autre page.

Le problème de l’origine de l’hydrosphère terrestre n’est pas facile à résoudre. Car, le système atmosphère-océan s’est formé durant la période que l’on appelle l’Hadéen. Cette période correspond aux premières 700 millions d’années de notre planète. Cette période s’étend depuis l’accrétion de la planète à partir de poussières cosmiques jusqu’à la fin du bombardement météoritique intense, il y a 3,9 milliards d’années. En fait, aucun indice géologique de cette période Hadéenne ne subsiste aujourd’hui. Ceci, en raison de l’intense activité tectonique de la jeune Terre qui a tout effacé. Tout ce qui reste de cette période ce sont quelques zircons détritiques trouvés dans l’ouest de l’Australie. Ceux-ci semblent montrer la présence d’eau liquide très tôt dans l’histoire de la terre. C’est-à-dire 50 millions d’années après la fin de l’accrétion cosmique.

Deux hypothèses

Quelques dizaines de millions d’années plus tard, il semblerait que les océans soient déjà présents. Avec des conditions de température, de salinité et de pH aptes à favoriser la survie d’organismes vivants appelés « extrémophiles ». Ceci, bien avant la fin du bombardement météoritique intense de la terre. Cela signifie donc, que suite à l’impact de larges astéroïdes, ces océans ont pu rentrer en ébullition. D’où une stérilisation momentanée de toute vie sur la jeune planète. Tous les modèles de formation des océans terrestres se doivent d’apporter une réponse claire à une question de base. Quand et comment l’eau est-elle arrivée sur notre planète ? Jusqu’à présent deux grands types de scénarios ont été envisagés :

i) Une apparition durant l’accrétion de la Terre. Ceci implique donc que toute l’eau océanique était disponible depuis le début.
ii) Un apport continu d’eau à travers les éons qui se sont écoulés depuis l’accrétion. Ceci implique alors une masse océanique croissante.

C’est la première hypothèse qui semble à l’heure actuelle avoir la faveur d’une majorité de spécialistes de cette question. Toutefois, la nature du transporteur d’eau (météorite ou comète) font encore l’objet de vifs débats. Il en est de même pour le moment précis de délivrance de cette eau : pendant l’accrétion ou juste à la fin.

Une deuxième hypothèse peu probable

Les arguments à l’appui de la deuxième hypothèse sont basées sur la théorie du chercheur américain Louis A. Frank de l’université de l’Iowa. Ce dernier a montré grâce à une série de mesures faites sur des engins spatiaux, que la Terre était bombardée de manière continue par un grand nombre de petites comètes [2-4]. Les calculs montrent qu’une masse de l’ordre de 2,2-8,5 x 1021 kg d’eau a été ainsi apportée sur la Terre depuis sa formation. Ceci, sous l’hypothèse d’un flux constant. Ceci est équivalent à 3 fois la masse actuelle des océans (1,4 x 1021 kg).

Cette hypothèse ne fait pas l’unanimité. Car, elle est en contradiction avec les modèles décrivant les variations du niveau moyen de la surface des océans depuis l’Archéen. Depplus, elle ne permet pas d’expliquer le dépôt de certains minéraux sulfurés au cours de l’Archéen. Dépôts qui nécessitent une profondeur océanique minimale de 3 km [5]. Reste donc à examiner l’hypothèse d’une masse d’eau liquide considérable tout de suite après la formation de la Terre. On étudie pour cela les rapports isotopiques hydrogène sur deutérium (H/D) terrestres et extraterrestres. Ceux qui voudraient se rafraîchir la mémoire sur la notion d’isotope pourront cliquer sur le lien suivant.

Références

[1] Daniele L. Pinti (2005), «The Origin and Evolution of the Oceans», Lectures in Astrobiology, Vol. 1. M. Gargaud, B. Barbier, H. Martin & J. Reisse Eds, Springer-Verlag, New York, Berlin, p.83-112.

[2] L. A. Frank, J.B. Sigwarth, J.D. Craven, «On the influx of small cometes into the earth’s upper atmosphere. I. Observations.», Geophys. Res. Lett., 13 (1986) 303-306.

[3] L. A. Frank, J.B. Sigwarth, J.D. Craven, «On the influx of small cometes into the earth’s upper atmosphere. II. Interpretation.», Geophys. Res. Lett., 13 (1986) 307-310.

[4] L. A. Frank, J.B. Sigwarth, «Trails of OH emission from small comets near Earth.», Geophys. Res. Lett., 24 (1997) 2435-2438.

[5] C.G.A. Harrison, «Constraints on ocean volume change since the Archaean», Geophys. Res. Lett., 26 (1999) 1913–1916.

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