78·Surface, profondeur et complexité

78·Surface, profondeur et complexité

Pédagogie

Comme je l’ai expliqué dans la chronique n° 77, j’ai peu de temps pour vous expliquer ce que j’ai compris de la nature en 40 ans de service auprès de la science et de l’éducation des jeunes adultes. Normalement, dans un souci pédagogique, on y va progressivement. Chaque nouvelle chose est introduite au moment précis où l’on en a besoin. La logique règne à tous les étages. Et, puis, tout à coup, survient l’apothéose… C’est-à-dire, la synthèse, sous une forme la plus compacte possible, de tout ce qui a été dit. De tout, ce qui a dû être compris au prix d’un dur labeur d’étude.

Illumination

Cette apothéose provoque généralement une décharge d’adrénaline dans tout corps humain naturellement constitué. C’est l’éclair d’illumination. Le « Bon sang ! Mais, c’est… Bien sûr », du commissaire Antoine Bourrel. Rôle magistralement interprété par Raymond Souplex, dans la série TV intitulée : « Les cinq dernières minutes ». Toute ma jeunesse. Et, la vôtre peut-être, si vous lisez cette chronique. Car, la série contient 149 épisodes diffusés entre 1958, l’année de ma naissance, et 1996. Elle couvre donc trois générations : parents, enfants et petits-enfants. 

Sauter à l’eau

Eh bien, non, je ne vais pas procéder ainsi. J’irai droit au but. Et, comme je ne suis pas réellement fan de football, je vais plutôt vous jeter directement à l’eau. Sans maillots de bain, ni masque, ni palme. Là comme vous êtes, avec vos doutes, vos peurs, mais également vos certitudes ou vos illusions. Pas de jaloux, tout le monde à l’eau… Même moi, d’ailleurs. Mis à part que, moi, j’ai déjà plongé dans le bain des milliards de fois. Si vous me découvrez avec cette chronique, ce sera pour vous une première fois. Et, comme toute première fois, cela vous fera un souvenir inoubliable. Alors, prêts à sauter ?

Bateaux et arbres

Je vous rappelle la raison pour laquelle vous devez sauter. Vous ressentez, bien sûr, un besoin vital d’être vous-mêmes. Mais, tout vous en empêche… Ou plutôt rien, allez savoir. Tout est flou, indécis, incertain, peut-être inquiétant. Plonger avec moi, mais pour quoi faire ? Va-t-on aller au fond ? Ou bien va-t-on rester en surface. Nager, quoi… Rassurez-vous. Pour l’instant, on va rester en surface. Mais, sachez que si vous me suivez, nous irons aussi au fond des choses. Dans l’Eau, cela signifie voir « les jolis petits bateaux qui vont sur l’eau ». Mais, par leur coque immergée invisible depuis la surface. Dans la Terre, cela consiste plutôt à voir l’arbre par ses racines, invisibles, elles aussi depuis la surface.

Braises et Eau Morphogénique

Notez que la surface, c’est ce qui caractérise les deux autres éléments de la nature. Je veux, bien sûr, parler ici de l’Air et du Feu. Non, ce n’est pas démodé de revisiter cette vieille théorie des quatre éléments. L’Air et le Feu, n’ont, de fait, aucune profondeur. Seule l’Eau et la Terre peuvent en avoir une. Mais, première chose intéressante, le Feu peut acquérir de la profondeur, à condition qu’il accepte de se mélanger à la Terre. Il forme alors ce que l’on appelle des « braises ». L’Air peut faire de même, et, acquérir de la profondeur en acceptant de se mêler à l’Eau. On obtient alors cette fameuse « Eau Morphogénique » dotée de mémoire. Puisque, s’il n’y a pas d’air dans l’eau, il ne peut pas y avoir de mémoire.

l’Art du mélange

Notons aussi, qu’il vaut mieux que le Feu ne cherche pas à se mélanger avec l’Eau. Car, l’Eau éteint le Feu et se vaporise pour devenir Air. On perd une surface Feu, mais, en échange, on en récupère une autre, l’Air. On a simplement perdu la profondeur de l’Eau. De même, la Terre évite de se mélanger avec l’Air. Parce que, alors, elle devient poussière, et perd sa profondeur. Et, si cette poussière est suffisamment fine, elle peut faire jaillir le Feu. Bref, une nouvelle surface réapparaît…  

On peut aussi chercher à mélanger l’Eau et la Terre. Dans, ce cas, on garde l’idée de profondeur. Et, ce, même si maintenant, on a obtenu de la boue. Et, pour terminer, cherchons à mélanger l’Air et le Feu. On obtient alors ce que l’on appelle un « plasma » qui n’a évidemment aucune profondeur. Quant au mélange des quatre éléments, on obtient une chose qui a de la profondeur, car, constitué de braises et d’eau morphogénique. Cela s’appelle aussi un être vivant…

La surface et la peur

Que retenir de cette mise en jambe ? Pour commencer, que le concept de surface est indestructible. Si, d’aventure, une surface disparaît, une autre va nécessairement apparaître, ici ou ailleurs. Le volume, lui, qui autorise la notion de profondeur, peut aussi exister. Mais, surtout, il peut disparaître et devenir surface. Oui, je sais, on ne vous a peut-être jamais présenté les choses sous cet angle. Mais, bon, c’est probablement pour cela que vous avez atterri sur cette chronique.

Nous venons ainsi d’apprendre qu’aller en profondeur est souvent difficile, mais parfois impossible… Alors que rester en surface est toujours possible. D’où la première règle gouvernant le comportement humain : rester en surface coûte que coûte. Vous savez maintenant pour quelle raison notre société vous inonde de gadgets. Et, de tout un tas de trucs parfaitement inutiles. On veut tout simplement que vous restiez en surface. Toute tentative d’aller en profondeur doit être contrée. Et, pour cela, on joue avec l’attribut essentiel de toute profondeur : la peur. 

Mais, rassurez-vous, j’ai appris à maîtriser cette peur viscérale des profondeurs. Si vous me tenez la main, vous ne risquez rien. On reviendra à la surface, quoi qu’il advienne, là-bas, en bas. Cependant, il va falloir bosser un petit peu. Puisque, je ne serais pas toujours là pour vous tenir la main. Chacun d’entre vous doit apprendre à maîtriser ce petit jeu profondeur/surface. Et, si guerre il y a, les mots deviennent importants. Car, ce sont eux qui tiennent lieu d’armes, dans ce genre de conflit inédit. Et, comment va-t-on en profondeur dans un mot ? Grâce à une technique qui s’appelle l’étymologie. Voilà, nous pouvons maintenant tous sauter dans le grand bain…

Magie du chiffre 7

Je vous rappelle que la question qui nous préoccupe est de comprendre le fonctionnement, en profondeur, de l’être humain. La réponse à cette question est qu’il existe exactement sept cadres de pensées. Mais, alors, me direz-vous, pourquoi sept et pas six ou huit ? Je pourrais à ce niveau très bien rester en surface. Dire, par exemple, qu’il y a sept chakras, ou bien sept notes de musique. Ou bien alors, que, selon la Genèse, le monde a été créé en sept jours… Et, que, selon l’islam ou le christianisme, il existe sept cieux. Puis, comme par hasard, il y a les sept marches de l’escalier à gravir en franc-maçonnerie…

Je pourrai aussi écrire que : 7  = 4 + 3. D’où l’idée que le chiffre 7 symbolise la totalité de l’Univers. Ici, via l’union du chiffre du ciel, du divin et de la trinité (3) avec le chiffre de la terre et du monde manifesté (4). En numérologie classique, le chiffre 7 symbolise la vie intérieure, l’intellect, la foi et la volonté. En alchimie et dans la tradition gnostique, le chiffre 7 renvoie aux sept métaux : Plomb (Saturne), Étain (Jupiter), Fer (Mars), Cuivre (Vénus), Mercure, Argent (Lune) et Or (Soleil). Mais, il y a aussi quatre éléments (terre, eau, air, feu) et trois principes (soufre, mercure et sel). Soit, de nouveau, 7 = 4 + 3. Tout ceci pour dire que, au final, le chiffre 7 symbolise l’entrée dans le domaine le plus abouti de la Connaissance et de la sagesse…

Vide et nombres complexes

Très bien, mais là, nous sommes restés en surface. Quid, maintenant, de la profondeur du chiffre sept ? Cette question m’a turlupiné durant de longues années. Mais, j’ai fini par trouver une réponse satisfaisante. Ma réponse se base sur une construction géométrique impliquant les trois premières puissances du chiffre 3. Mais, patience, avant cela, il nous faut parler du vide. En effet, on a, en tout premier lieu, le chiffre 0. Ce dernier caractérise le vide dès que l’on utilise des nombres réels. Mais, dès que l’on utilise des nombres complexes, ce vide devient plein et forme une chose unique, représentée par le chiffre 1.

Déjà perdu ? Alors, sachez que tout nombre complexe peut s’écrire z = r×exp(i𝜑). Ici, r représente le module (nombre réel) et 𝜑 la phase (angle). Si vous faites 𝜑 = 0, vous retombez dans l’ensemble des nombres dits « réels », puisque alors : z = r. Maintenant, faites 𝜑 = π = 180°, soit z’ = r×exp(iπ) = -r, parce que exp(iπ) = -1. Et, que se passe-t-il si j’additionne z et z’ ? Quel sera le résultat ? Eh bien, z + z’ = r – r = 0. Voilà, vous aviez quelque chose, z = 1 si r = 1 et 𝜑 = 0. Et, puis, tout à coup, si 𝜑 = π, vous n’avez plus rien, même si la chose est toujours là. Puisque, dans les deux cas, r = 1, soit quelque chose de bien tangible…

La question qui vient alors immédiatement à l’esprit est : pourquoi additionner z et z’ ? Et, la réponse est : parce que l’angle de phase 𝜑 est une grandeur inobservable par principe. Bref, une chose qui existe bel et bien, mais qui est non mesurable en elle-même… Sauf, si vous la comparez à une autre chose, qui ne possède évidemment pas la même phase. Et, si les angles de phases sont indiscernables, la règle est qu’il faut alors les additionner. En jargon scientifique, vous êtes passés de la physique classique (nombres réels) à la physique quantique (nombres complexes).

Complexe ou compliqué ?

Notez bien qu’ici, « complexe », ne signifie en rien « compliqué ». Nous rencontrons ici une subtilité qui mérite une petite pause. En latin, nous avons l’adverbe « cum », qui signifie, « avec », « ensemble ». Et, puis, il y a le verbe « plectere » ou « plicare », qui signifie « plier, replier ». Mot qui vient lui-même du grec « πλέκειν » (plekein) qui signifie « tresser, « entrelacer », « disposer » ou « arranger ». Par conséquent, ce qui est complexe ou compliqué est une chose « tissée ». C’est-à-dire une chose composée de parties aisément identifiables. La question à se poser ici, est de savoir si ces parties sont séparables.

Et, là vient la subtilité… Complexe doit être utilisé quand on ne peut pas prédire avec certitude ce qu’il va advenir dans l’avenir. Dans un système complexe règne l’incertitude, voire parfois la contradiction. Il n’y a pas d’optimum. Seule l’expérience permet de savoir ce qui peut arriver. Sans expérience, c’est le noir absolu, l’obscurité… De plus, si l’on essaye de démonter, puis, de remonter un système complexe, il ne marche plus du tout. Quelque chose a été perdu lors du démontage des parties.

Maintenant, le terme « compliqué » s’impose dès que l’on peut prédire avec certitude ce qu’il va advenir à l’avenir. Face à un système compliqué, on peut simuler, calculer, prévoir et il existe nécessairement un optimum. De plus, on peut démonter et remonter à volonté, le système fonctionnera toujours. Subtil, non ? Nous avons là un bon exemple de la stratégie mis en œuvre dans une guerre utilisant des mots et non des balles ou des obus. Les balles ou les obus travaillent en surface. Les mots, eux, travaillent en profondeur. Et, il faut de la subtilité pour décoder les messages qui les utilisent… En revanche, aucune subtilité avec un obus. Le système pète en morceaux éparpillés, tout simplement. Et, plus question de le remonter…  

Intelligence artificielle

Voilà, vous devez comprendre qu’une machine est une chose compliquée. Elle fonctionne avec l’algèbre des nombres réels adaptés à la surface des choses. Un être humain est une chose complexe qui fonctionne avec des nombres complexes adaptés à la profondeur de son âme. C’est aussi bête que cela. Mais, encore faut-il en avoir conscience et le savoir. C’est ce genre de choses que vous apprendrez ici : être subtil. Par conséquent, être capable de décoder, en profondeur, toute information qui vous parvient.

D’où la vanité de tout ce débat autour ce que l’on appelle « l’intelligence artificielle » (IA). L’IA est utile face à quelque chose de compliqué. Mais, face à une chose complexe, elle ne peut absolument rien faire, sinon énoncer des probabilités. Si vous vous sentez plus intelligent après avoir lu ces quelques mots, c’est que vous êtes complexe. Sinon, vous êtes, tout bêtement, compliqué et rien de plus. Pour résumer, dans un monde de choses compliquées, la valeur zéro signifie qu’il n’y a rien. Mais, dans un monde complexe, la valeur zéro peut signifier zéro (0, rien) ou (1, tout). Et, devinez ce que l’on a découvert au début du XXe siècle ? Que le monde était complexe ! Alors qu’au XIXe siècle, on pensait qu’il était simplement compliqué.

Dualité et trinité

Attention, ce n’est pas encore fini… En effet, que se passe-t-il maintenant si ce vide/plein qui se satisfait à lui-même, subit une intervention extérieure ? Il devient alors une dualité représentée par le chiffre 2 : l’intérieur (moi) et l’extérieur (pas moi). Or, la dualité est un état instable où l’on oscille en permanence entre son côté 0 (vide) et son côté 1 (plein). Pour retrouver la stabilité du 0/1 indifférencié, il faut nécessairement une trinité symbolisée par le triplet (0, 1, 2) et donc le chiffre 3. 

Avoir trois choses permet donc de passer de l’état indifférencié (0/1) à l’état différencié (0, 1 et 2). Encore une fois, c’est tout bête, mais, encore faut-il en avoir conscience. Bon, à ce stade, suis-je allé suffisamment en profondeur ? Bien sûr que non… Ceux qui estiment avoir eu leur dose de profondeur pourront s’arrêter là. Le principal a été dit. Pour ceux, qui en veulent plus, suivez-moi… Mais, pour cela, il faudra patienter jusqu’à la prochaine chronique. 

En attendant, vous pouvez toujours relire Henri Bergson. Puisque, chez Bergson, la « profondeur » est une image très couramment employée lorsqu’il cherche à décrire la méthode que suit sa philosophie. Aller « en profondeur » ne signifie en rien de chercher à atteindre un hypothétique « fond ». Et, Bergson ne parle jamais d’une métaphysique simplement profonde. Mais, il oppose toujours la profondeur à la surface, comme je l’ai fait ici. Car, une idée profonde pourrait n’être, en vérité, qu’une nouvelle surface… La seule manière de le savoir, c’est que l’effort d’approfondissement continue, encore et encore. Ce n’est qu’ainsi qu’il est possible de pouvoir décoder les différentes strates de toute réalité.

Par Marc HENRY

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