Eau de Mer

Eau de Mer

Une saumure saline

Les changements dans les sources de salinité, de pH et d’état rédox de l’océan a probablement eu pour conséquence d’altérer les concentrations relatives des espèces dissoutes dans l’eau de mer ancestrale. Toutefois, cette salinité semble, dans tous les cas, dominée depuis le tout début par le chlorure de sodium ou halite, de formule NaCl. Une saumure saline très proche de celle de l’eau de mer moderne aurait pu être produite, depuis l’Hadéen, via des réactions entre l’eau et des roches. Le lieu le plus probable se trouve au niveau des dorsales océaniques. La découverte de traces d’eau de mer préservées dans des roches anciennes serait évidemment d’une utilité considérable pour mieux caractériser cette chimie.

Les inclusions âgées de 3,2 milliards d’années trouvées dans les oxydes de fer de la ceinture rocheuse de couleur verte de Barberton en Afrique du Sud contiennent deux fluides mélangés. Le premier fluide est de l’eau de mer ayant une composition fixée par le ternaire NaCl-CaCl2-H2O. En revanche, le second est d’origine hydrothermale. Sa composition est fixée par le ternaire CaCl2-FeCl2-H2O. On a trouvé dans des zébrures de quartz du Dôme du pôle Nord en Australie de l’Ouest, des inclusions de fluides primaires. Ces dernières sont âgées de 3,5 milliards d’années. Elles montrent la présence d’eau de mer ancestrale ayant une composition NaCl-CaCl2-H2O similaire à celle des roches vertes de Barberton. La concentration des principaux cations et anions dissous dans les fluides Archéens de ces roches vertes est donnée dans la figure ci-dessus.

Le tableau suivant donne pour sa part quelques valeurs chiffrées :

Concentration saline

Le rapport Na/Cl de l’eau de mer Archéenne se trouve être le même (0,858) que les océans actuels. Ceci, bien que la quantité de sodium et de chlore soit 165% plus haute que celle de l’eau de mer moderne. Les concentrations en ions Ca2+ et Sr2+ sont 22 et 50 fois plus grandes qu’aujourd’hui. Ces concentrations supérieures en calcium et strontium pourraient provenir de réactions avec des carbonates. La concentration en ions Mg2+ est pratiquement la même que celle de l’eau de mer moderne. Par contre, la concentration en ions K+ est 87% plus forte. La concentration en ions sulfate SO42- est en revanche plus basse que dans l’eau de mer moderne. Ceci pourrait être expliqué par des réactions entre les sulfates de calcium et les fluides hydrothermaux. Ou bien encore, par des réactions entre ces fluides et la croûte océanique.

Ces dernières réactions auraient cependant pour conséquence de réduire considérablement la quantité de magnésium. Cette observation permet donc d’écarter une telle hypothèse. Finalement, les quantités de brome et d’iode sont 2,6 et 74 fois plus élevées que ce que l’on observe dans l’eau de mer moderne. Car, le rapport Br/Cl de l’eau de mer Archéenne a été estimé à 2,5 x 10-3. Une telle valeur est proche de celle du manteau qui est de 2,9 x 10-3. Cependant, elle reste plus haute que celle observée dans l’eau de mer moderne, soit 1,54 x 10-3. Le rapport I/Cl de de l‘eau de mer Archéenne était de 40 x 10-6. Une telle valeur est nettement plus élevée que celle de l’eau de mer moderne (0,9 x 10-6 ). Cependant, elle reste inférieure à celle observée dans le manteau terrestre (190 x 10-6).

Enrichissement en halogènes

Deux hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cet enrichissement en halogènes. La première est que la chimie de l’océan Archéen était contrôlée par une interaction hydrothermale à grande échelle entre la pile volcano-sédimentaire de la croûte océanique et l’eau de mer. En d’autres termes, la chimie de l’océan était tamponnée par le manteau, source d’iode et de brome. La deuxième hypothèse prend en compte le rôle de la biosphère qui appauvrit l’eau de mer en halogènes. Dans l’eau de mer moderne, le brome et l’iode sont déficitaires. Car, ils sont fixés par le plancton sous forme de métabolites. L’enterrement de la matière organique avec les sédiments provoque un retrait des halogènes de l’océan.

D’autres hypothèses font appel à l’existence d’une biosphère interagissant de manière différente avec les halogènes. Comme l’absence de plancton. Ou l’existence de processus métaboliques différents. Ce qui aurait donc préservé les halogènes au sein des océans Archéens. Une autre hypothèse suggère que le taux d’enterrement du carbone durant l’Archéen était plus faible qu’aujourd’hui. Ce taux d’enterrement est en fait contrôlé par le taux de sédimentation. Celui-ci dépend à son tour de la surface continentale disponible à l’érosion en surface. Des continents plus petits dominaient la période Archéenne. Il est donc fort probable que la sédimentation et l’enterrement du carbone était beaucoup plus faible que ce qui est observé de nos jours. Ceci expliquerait une conservation des halogènes dans la colonne d’eau Archéenne.

Référence

Daniele L. Pinti (2005), «The Origin and Evolution of the Oceans», Lectures in Astrobiology, Vol. 1. M. Gargaud, B. Barbier, H. Martin & J. Reisse Eds, Springer-Verlag, New York, Berlin, p.83-112.

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