Cryosphère

Cryosphère

Permafrosts

On trouve dans les permafrosts, qui sont des sols gelés âgés de plusieurs millions d’années présentant des température allant de 0 °C à –27 °C, entre 102 et 107 cellules par gramme de sol [1]. Par comparaison, on ne retrouve que quelques douzaines de cellules viables par mL d’eau récupérée par fusion de carottes glaciaires pures datant de l’Holocène prélevée en Antarctique ou au Groenland. Ici la quantité de cellules viables augmente avec le taux de poussières. Les observations microscopiques de sections de glace intacte dans une gamme de température allant de –2 °C à –20 °C ont, de fait, révélé l’existence d’inclusions de saumures liquides habitées par des bactéries [2].

La plupart des bactéries sont cependant observées en association avec des surfaces variées. Cela peut être des grains de sédiment, des détritus ou bien des joints de grain entre cristaux de glace. Dans un permafrost, la glace constitue de 92% à 97% du volume d’eau. Elle sert de cryo-conservant pour la matière biologique. Il existe donc 3 % à 8 % d’eau non gelée sous la forme de couches d’eau douce ou saumâtre ayant une épaisseur comprise entre 0,5 et 7,5 nm (eau morphogénique).

Glace et biodiversité

Ces couches d’eau recouvrent toute matière organique ou minérale. Elles protègent donc les cellules viables de la destruction mécanique provoquée par la croissance intrusive des cristaux de glace. Cette eau favorise également le transfert massique des sous-produits de l’activité microbienne régnant au sein du permafrost.

Cette eau morphogénique sert aussi probablement de milieu nutritif, car elle peut contenir de nombreux ions ou molécules. Il en découle que la cryosphère terrestre, regroupant permafrosts, banquises et glaciers représente aussi une part significative de la biosphère. La figure en tête de cette chronique illustre la biodiversité que l’on peut trouver au sein d’un permafrost [1].

Cryoconites

On notera aussi, à la surface des glaciers, de trous de cryoconites. Ces trous sont des cavités générées sous l’action réchauffante de l’irradiation solaire. En effet, les particules présentes sur la surface d’un glacier s’enfoncent dans la glace sous-jacente suite à sa fusion partielle. Ce sont des environnements uniques qui contiennent de l’eau liquide inoculée par les substances relâchées par les particules ou par la glace fondante. Chaque trou de cryoconite est par essence unique et peut par conséquent supporter un écosystème complet limité spatialement.

Image montrant la formation de cryoconites sous l'effet d'une particule solide s'enfonçant dans la glace sous l'effet de la lumière solaire

Durant les étés polaires, l’activité photosynthétique des algues et cyanobactéries présentes au sein de ces trous de cryoconites est suffisante pour alimenter le métabolisme d’écosystèmes complexes. On y trouve bactéries (Acidobacterium, Actinobacteria, Cyanobacteria, Cytophagales, Gemmimonas, Planctomycetes, Proteobacteria et Verrucomicrobia), algues vertes (Pleurastrium), diatomées, champignons (Choiromyces), ciliés (Spathidium) et métazoaires (nématode, tardigrade, et rotifère).


Références

[1] David A. Gilichinsky, «Permafrost Model of Extraterrestrial Habitat», in Astrobiology: The quest for the Conditions of Life, Springer, Berlin (2002), chap. 8, pp. 125-142.

[2] K. Junge, H. Eicken & J.W. Deming, « Bacterial Activity at -2 to -20°C in Arctic Wintertime Sea Ice », Appl. Environ. Microbiol., 70 (2004) 550-557.

[3] B. C. Christner, B. H. Kvitko II & J. N. Reeve, «Molecular identification of Bacteria and Eukarya inhabiting an Antarctic cryoconite hole», Extremophiles, 7 (2003) 177–183.

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