Épisode 5, Covid-19, avril 2020
Infection
Dans la chronique précédente, j’ai esquissé le mécanisme employé par le virus SARS-CoV-2 pour entrer par effraction dans une cellule. Récapitulons les faits. La première étape est l’accrochage du virus par sa protéine S. Ces protubérances s’accrochent sur les glycanes extracellulaires (sièges autour de la piste de cirque). Une fois scotché, le virus regarde si dans son voisinage immédiat, il n’y a pas un récepteur. Ce récepteur joue le rôle de poste frontière. Son nom de code est ACE2. Sa présence permet d’entamer un dialogue entre un domaine S1 de la protéine S et un douanier de ce poste frontière ACE2. Pendant que le domaine S1 fait la causette au douanier, un deuxième domaine S2, le « missile », se détache. Sa destination est de venir s’encastrer dans la bordure de la piste de cirque.
Car cette bordure n’est pas rigide, mais souple comme une motte de beurre. Ceci dit, des acides aminés dits « lipophiles » constituent le missile S2. Ceux-ci adorent se fondre dans la motte de beurre. Une fois le missile encastré, la bordure se trouve fragilisée. Ceci permet à l’enveloppe du virus, de même nature chimique que le beurre constituant la bordure, de fusionner. Cette endocytose donne accès à la piste au génome viral bien emmitouflé dans son costume protéique. Toute action qui permet d’entraver ce processus infectieux de base, conférera à l’hôte un mécanisme de protection contre l’infection virale. Nous avons ainsi décortiqué le scénario du « crime ». Il reste donc à mettre en place le décor, c’est-à-dire la scène sur laquelle le drame va avoir lieu.
Postes frontières
Tout d’abord, où trouve-ton le poste frontière ACE2, cible du SARS-CoV-2 dans le corps humain ? La science nous apprend qu’on le trouve sur les cellules des poumons, du cœur, des reins et des intestins. Ainsi, toute personne ayant une fragilité pulmonaire, cardiaque, rénale ou intestinale sera a priori une personne à risque. Or, parmi ces quatre organes, seuls deux présentent une interface avec l’extérieur : les poumons et les intestins. Donc l’infection sera soit pulmonaire via le nez, soit intestinale par la bouche. Comme la bouche communique avec le nez, il y a donc beaucoup de chances pour que la cible principale du virus soit les poumons.
Le cœur et les reins ne seront que des cibles secondaires. Puisque pour infecter ces organes, il faut que le virus passe d’abord dans le sang. Or, ceci ne peut se faire qu’au niveau des poumons ou des intestins. Avec ce passage obligatoire par le nez ou la bouche, on comprend aisément deux symptômes surprenants de la maladie. Il s’agit d’une perte simultanée de l’odorat (anosmie) et du goût (ageusie). D’où deux premiers gestes « barrière » qui consistent à recouvrir la bouche (et si possible le nez) par un masque. Il faut aussi éviter de se toucher le visage, lieu où se trouve la bouche et le nez. Au lieu de mettre des masques à disposition de la population pour la protéger, notre cher gouvernement a décidé d’expliquer que porter un masque ne servait à rien. Pourquoi ?
Les masques
La première raison tient au simple fait qu’il n’y avait pas de masques pour tout le monde. Ceci en raison d’un démolissage voulu et systématique, pour des raisons de rentabilité financière, de notre système de santé piloté. Car, juste avant cette épidémie, le personnel de santé, toutes catégories confondues, dénonçait depuis près d’un an sans relâche une logique comptable mortifère. Tant au niveau du matériel que du personnel. Cette logique comptable voulait que l’on fasse toujours plus d’économies dans notre système de santé. De fait, entre 2005 et 2009 on a amassé près d’un milliard de masques chirurgicaux et 700 millions de masques FFP2. Ces derniers masques offrent une meilleure protection contre les virus. Ils ont une durée de vie estimée de 5 ans.
Or, il n’y a eu aucun renouvellement de ce stock confortable de masques pour lutter contre les pandémies grippales dues au virus H1N1. D’où l’idée de persuader la population que le port du masque était inutile. Afin de ne pas avoir à avouer que nos dirigeants ont été plus cigales que fourmis. Le plus comique dans l’histoire, c’est qu’ils ont propagé ce mensonge au nom de la science. Or, toujours au nom de cette même science, ils vont aujourd’hui rendre le port du masque obligatoire. Dans l’espoir d’avoir reconstitué, entre-temps, les stocks de 2009. En fait, cette histoire de masque qui ne protège pas, a bien un fondement scientifique.
Le masque FFP2
L’argument est lié à la taille du SARS-CoV-2 qui est, comme on l’a vu, de l’ordre de 100 milliardièmes de mètres. Pour arrêter efficacement un tel virus il faudrait donc disposer d’un maillage de taille bien inférieure à 100 milliardièmes de mètres. Disons 10 milliardièmes de mètres pour fixer les idées. Tisser un tel maillage n’est pas à la portée de n’importe quelle couturière. D’où l’idée du masque chirurgical qui protège simplement des postillons. Le masque chirurgical empêche la contamination par proximité. Tandis que le masque FFP2 protège de l’infection dès que l’on évolue dans un milieu contaminé. Comme il y a moins de soignants que de malades, il est logique d’avoir plus de masques chirurgicaux que de masques FFP2.
Dans un monde idéal où la santé de la population primerait sur la prospérité financière des actionnaires, on aurait bien sûr que des masques FFP2. Ceci afin de protéger tout le monde : malades, soignants et non malades. C’est peut-être ce qui devra être mis sur la table une fois l’épidémie passée. Donc, comme tout le monde ne peut pas avoir de masques, que faire ? C’est là qu’intervient un autre geste barrière : se laver les mains. Là par contre, le gouvernement a mis le paquet, car il est vrai que ce geste est vraiment très efficace. Toutefois, ici aussi, la communication a été complètement parasitée par la ruée de la population sur les gels hydro-alcooliques.
La motte de beurre
Pour y voir plus clair, faisons un zoom sur la motte de beurre, constituant principal de la bordure de la piste de cirque. L’ingrédient de base est ici un acide gras estérifié (phospholipide PL) de structure générale :
R-C(O)-O-CH2-CH[OC(O)-R’]-CH2-O-PO2-O-X
Il faut tout d’abord, que le truc fasse du beurre mou et pas de l’huile liquide. Il faut donc que les chaînes hydrocarbonées R et R’ soient les plus longues possibles. Cela signifie d’avoir au moins 12 atomes de carbone, avec ou sans insaturations. Le résidu X lui est ce que l’on appelle une « tête polaire ». Sa composition chimique importe peu, du moment qu’elle peut entrer en interaction avec le plus grand nombre possible de molécules d’eau. Car c’est bien l’eau qui, de par ses propriétés extraordinaires, va être responsable de l’auto-assemblage de la bordure. L’idée est de créer une bicouche : eau-PL-PL-eau, ayant une épaisseur voisine de 100 milliardièmes de mètres.
Pour dissoudre un phospholipide dans l’eau, il faut faire de la place en créant une cavité. Or, en raison des longues chaînes hydrocarbonées, ces molécules sont très volumineuses. Tant qu’il n’y a pas trop de phospholipides dans l’eau, tout va bien. L’eau qui adore se coller sur tout ce qui n’est pas elle, joue son rôle de milieu dispersif. On obtient une solution homogène. Toutefois, si la concentration devient trop élevée, il n’y a plus assez d’eau pour solvater toutes les chaînes. Plutôt que de laisser des parties non solvatées, le système se réorganise complètement. Il rassemble alors toutes les chaînes entre elles pour former une goutte d’huile interne. Ceci fait aussi que toutes les têtes polaires pointent vers l’extérieur.
Auto-assemblage
Cette structure auto-assemblée appelée « micelle » apparaîtra dès que l’on aura atteint une concentration micellaire critique. Soit V le volume occupé par les chaînes hydrocarbonées, L la longueur des chaînes et A l’aire balayée par la tête polaire. La micelle se forme dèq que la condition FF = V/(A×L) < 1/3 est satisfaite. Si ce même rapport est tel que 1/3 ≤ FF ≤ 1/2, l’auto-assemblage se fera plutôt sous la forme de cylindres et non plus de sphères. Pour 1/2 ≤ FF ≤ 2/3, on obtient des bicouches sphériques appelées vésicules ou liposomes. C’est par ce mécanisme que se forme l’enveloppe sphérique du SARS-CoV-2. Enfin pour 2/3 ≤ FF ≤ 3/2, on a auto-assemblage en bicouches planes? C’est notre fameuse bordure de la piste de cirque.
Or, toute savonnette est faite d’un acide gras banal R’’-C(O)ONa, qui est tel que FF < 1/3. Donc, du moment que la chaîne R’’ du savon est suffisamment longue, elle pourra se mélanger sans problème avec les chaînes R ou R’ d’une bicouche ou d’une vésicule. Les cellules mortes qui forment la couche superficielle de la peau, ne sont pas affectées. Il n’en va pas du tout de même de la fragile enveloppe du SARS-CoV-2. Lorsqu’il y a suffisamment de savon, le rapport moyen <FF> chute en dessous de 1/2. Ceci dénude totalement la capside virale. Ce faisant, ceci la dépouille aussi de ses précieux missiles S2 qui étaient enchâssés dans ladite enveloppe. Or, sans missiles, plus moyen d’entrer par effraction…
Détergents
Ceci pour comprendre que tous les savons, les shampooings et de manière plus générale les détergents, sont vraiment très efficaces pour inactiver à 100 % tous les virus enveloppés d’une membrane. Ce qui est précisément le cas du virus SARS-CoV-2. Donc dès que l’on suspecte une contamination au SARS-CoV-2, se laver au savon les parties du corps concernées est vraiment une excellente idée. Notons aussi que si les virus traînent sur des surfaces, laver lesdites surfaces au savon est aussi une bonne chose. Les plus terrorisés d’entre vous pourront même laver leurs aliments. Toutefois, pas de surprise si la nourriture devient immangeable…
Les détergents tels que FF < 1/3 sont donc abominablement efficaces pour désactiver les virus enveloppés. Toutefois, cela ne vaut pas pour les gels hydro-alcooliques qui ne sont pas des détergents. Donc si l’on a le choix entre savon ou gel hydro-alcoolique, on doit toujours choisir le savon. Comme je l’explique dans la prochaine chronique, les gels hydro-alcooliques ont été développés pour lutter contre les bactéries qui disposent de leur propre machinerie cellulaire. Les virus, eux, sont totalement dépourvus de telles machinerie. D’où la moindre efficacité.
Par Marc HENRY
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