14•Affolement et branle-bas de combat

14•Affolement et branle-bas de combat

Épisode 14, Covid-19, mai 2020

Les cytokines

Cette chronique sera la dernière consacrée aux aspects techniques de la maladie COVID-19. Dans les deux chroniques précédentes, je vous ai parlé du jugement NLRP3 par le feu. Ainsi que du jugement AIM2 par l’eau. Je vais parler aujourd’hui de la véritable folie qui s’empare du corps lorsqu’il y a le moindre signe d’infection ou d’agression de nos cellules. Car, il s’agit d’un véritable état de guerre totale qui se met en place. Bien éloigné des vaines fanfaronnades auxquelles s’est livré notre cher président dans son allocution télévisée. Il nous annonçait alors le confinement de toute la population française. Je veux donc parler de ces fameuses cytokines.

Notre corps les recrute pour signifier qu’un orage gronde. Avec toutes les conséquences dévastatrices que cela peut avoir. Les cytokines sont les cibles privilégiées de l’industrie pharmaceutique. Hélas avec très peu de succès à ce jour. Si l’on veut, bien sûr, être honnête et éviter les fanfaronnades médiatiques. Pour suivre cette chronique, il faut avoir lu la chroniques n°11. Car, qui dit cytokine, dit système immunitaire. Voici donc maintenant les grandes classes de cytokines qu’il convient de connaître. Surtout si l’on souhaite comprendre les aspects pharmaceutiques de lutte contre une épidémie.

Interférons (IFN)

Cette famille de cytokines jouent un rôle central dans le système immunitaire inné. Leur rôle est d’interférer, d’où le nom, avec les processus d’infections virales ou bactériennes. Il y a des interférons du premier type. Ils se nomment IFN-alpha et bêta. Ceux du deuxième type sont des IFN-gamma. Enfin, ceux du troisième type ont plusieurs noms : IFN-lambda ou IL-29, IL-28a et IL-28b. La liaison d’une molécule d’interféron sur un récepteur active une cascade de signaux. Le but est d’aboutir à l’activation de facteurs de transcription qui concernent une bonne centaine de gènes. Ces gènes encodent pour des protéines anti-virales, immuno-modulatrices et anti-proliférantes. 

Interleukines (IL)

Contrairement aux interférons, les interleukines constituent une famille très diversifiée de régulateurs du système immunitaire. Elles sont spécialisées dans l’activation et la différentiation des leucocytes. Elles peuvent être aussi bien pro-inflammatoires qu’anti-inflammatoire. À l’origine, le mot “interleukine” faisait référence aux molécules chimiques permettant aux leucocytes de communiquer entre eux. En fait, de nombreuses autres cellules peuvent produire ces cytokines. La nomenclature des interleukines est un vrai cauchemar. Il y règne la confusion la plus totale. Chose bien peu digne d’une approche scientifique et rationnelle.

Interleukine-1 (IL-1)

Ce terme désigne un groupe de cytokines pro-inflammatoires qui existe sous deux parfums alpha et bêta. Elles amplifient la phase de signalisation aiguë en provoquant l’afflux de leucocytes vers le site primaire d’infection. Elles activent aussi les cellules épithéliales et la production de cytokines secondaires. Comme on l’a vu dans une précédente chronique le tribunal NLRP3 utilise la paire IL-1-bêta et IL-18. Ceci, afin de recruter l’inflammasome de défense contre les pathogènes. NLRP3 utilise les interférons du premier type pour en réguler l’activité.

Interleukine-6 (IL-6)

C’est une cytokine pro-inflammatoire jouant de multiples rôles. Un grand nombre de types cellulaires sont capables de la produire. Notamment les lymphocytes T et B, les monocytes et les fibroblastes. Elle participe à différents processus physiologiques. Elles participent à l’activation des lymphocytes T. Elles peuvent induire la sécrétion d’immunoglobulines. Lors de la phase aiguë de l’inflammation, elles activent la synthèse des protéines hépatiques. Enfin elles stimulent l’hématopoïèse. IL-6 joue aussi un rôle important dans les affections inflammatoires et l’ostéoporose. IL-6 se retrouve aussi dans les tumeurs nouvellement formées appelées néoplasies.

Interleukine-7 (IL-7)

Cette protéine stimule pour sa part la différentiation des cellules souches pluripotentes hématopoïétiques. Il y a ainsi création des lymphocytes de type B, T ou NK. Son rôle est ambivalent. Elle peut être aussi bien pro- qu’anti-inflammatoire.

Interleukine-9 (IL-9)

Il s’agit d’une cytokine à multiples fonctions. Les mastocytes, les lymphocytes tueurs naturels NK, intermédiaires (Th2, Th9, Th17) ou régulateurs (Treg) produisent IL-9. Le but est ici de stimuler la prolifération cellulaire. Elles empêchent aussi que les cellules se suicident. 

Interleukine-10 (IL-10)

C’est un facteur d’inhibition de la synthèse des cytokines (CSIF). Il joue, lui aussi, de multiples rôles dans l’immuno-régulation et l’inflammation. IL-10 calme l’expression des cytokines émises par les lymphocytes Th1. Elle freine aussi la réponse aux antigènes de deuxième classe du complexe majeur d’histocompatibilité. Cette protéine est également apte à co-stimuler les macrophages. Il favorise enfin la survie des lymphocytes B et leur prolifération ainsi que la production d’anticorps. IL-10 peut surtout bloquer l’activité de la belle endormie NF-κB, une fois qu’elle a été réveillée. Voir la chronique n°13 pour plus de détails. Tout comme IL-7, il s’agit d’une cytokine ambivalente pouvant être aussi bien pro- qu’anti-inflammatoire.

Chemokines

C’est la famille la plus large. Il y a 44 membres aptes à se lier à un ou plusieurs des 21 récepteurs couplés à une protéine-G. Les protéines-G, sont des protéines pouvant se lier aux nucléotides à base de guanosine (GTP ou GDP). Elles servent d’interrupteurs moléculaires au sein d’une cellule. Leur rôle est de transmettre à l’intérieur de la cellule des signaux spécifiques. Ces signaux proviennent des différents stimuli reçus à l’extérieur. On a ainsi pu identifier environ 800 protéines-G spécialisés. Il existe 4 grandes classes de chemokines notées CXCL, CCL, CL et CX3CL. Il faut regarder l’espacement qui existe entre leurs deux premières cystéines, représentées par la lettre ‘C’. La lettre ‘L’, correspond à la première lettre du mot ligand.

La plupart des chemokines sont pro-inflammatoires. Elles attirent toute cellule migratrice. Elles sont actives lors de toute ’embryogenèse. Le développement et le fonctionnement du système immunitaire inné ou adaptatif ne pourrait se faire sans elles. Elles permettent enfin la croissance des métastases cancéreuses.

La famille CCL

CCL2 s’appelle aussi MCP1. Cette protéine du premier type attire les monocytes, les basophiles, les lymphocytes-T mémoire et les cellules dendritiques. Tout tissu endommagé ou infecté est capable de produire CCL2. CCL3 est une protéine inflammatoire du premier type des macrophages. Il y a le parfum alpha (MIP1-alpha) qui induit une fièvre non inhibée par l’ibuprofène. D’où la dangerosité de prendre ce genre de médicament toxique dès que l’on a de la fièvre. Sa sœur CCL4 s’appelle aussi MIP1-bêta. Elle attire pour sa part les lymphocytes tueurs naturels NK, les monocytes et d’autres cellules du système immunitaire.

La famille CXCL

Les macrophages produisent la chemokine CXCL8 (IL-8). Elle permet d’attirer les neutrophiles ou les mastocytes vers le lieu de l’infection. Son rôle est de favoriser l’angiogenèse et la migration cellulaire. L’angiogenèse est formation de nouveaux vaisseaux vasculaires. Les lymphocytes T sont régulés par l’expression différentielle des ligands CXCL9, CXCL10 et CXCL11. C’est l’interféron-gamma qui régule ces ligands.

Ainsi, CXCL10 est une protéine du dixième type induite par l’interféron-gamma (anciennement IP-10). Elle attire irrésistiblement les monocytes/macrophages, les lymphocytes T, les tueurs naturels NK et les cellules dendritiques. Elle favorise aussi l’adhésion des lymphocytes T sur les cellules endothéliales. Comme elle inhibe l’angiogenèse, elle a une activité anti-tumorale. Enfin CCL11 (ou eotaxine) joue pour les neutrophiles, les monocytes et les éosinophiles, le même rôle que le miel pour les fourmis.

Facteur de nécrose tumorale (TNF)

Le TNF-alpha s’appelle aussi cachexine ou cachectine. C’est la cytokine pro-inflammatoire la plus étudiée. Son apparition est toujours signe qu’un violent orage se prépare. Son nom date de 1975. Car, sous son action, les tumeurs de la souris régressent. Jusqu’à ce que l’on se rende compte qu’il était impliqué dans la genèse de la malaria et du choc septique. On considère aujourd’hui que TNF est la cytokine centrale des maladies virales aiguës (grippe, dengue, Ebola).

Une grande variété de leucocytes expriment TNF. Tous les types de cellulaires sont capables d’exprimer le récepteur primaire, TNFR1. C’est ce qui procure à cette cytokine un statut « royal ». Les TNFs ont de multiples effets. Car, il y a ici amplification possible par une super-famille de 19 membres possédant pas moins de 29 récepteurs. Toute production excessive de TNF se traduit par des maladies inflammatoires chroniques de type auto-immune. 

Facteurs stimulateurs de colonies (CSF)

Ce sont des glycoprotéines stimulant la moelle épinière. Elles induisent la formation des granulocytes et des cellules souches hématopoïétiques. Une fois matures, le corps les relâche dans le flux sanguin. Leur action consiste à augmenter le nombre de cellules produisant des cytokines sur le site de l’inflammation. Elles amplifient de ce fait la cascade qui perpétue les réactions inflammatoires.

Il y a par exemple le facteur CSF-2 du deuxième type. On l’appelle aussi GM-CSF, pour granulocyte-macrophage. C’est un facteur de croissance des leucocytes (neutrophiles, éosinophiles, basophiles et monocytes). Les macrophages, les lymphocytes T, les mastocytes, les tueurs naturels, les cellules endothéliales et les fibroblastes peuvent secréter ces facteurs. Le facteur CSF-3 du troisième type s’appelle aussi G-CSF. Il est produit par l’endothélium et les macrophages. Ainsi que par un certain nombre de cellules du système immunitaire. Leur rôle est de stimuler l’expression, la prolifération, la survie et la différentiation des neutrophiles (précurseurs ou matures). Ces deux facteurs sont à la fois pro- et anti-inflammatoires.  Pour l’inflammation ils coopèrent avec IL-1 et TNF.

Facteurs de croissance (GF)

On trouve dans cette famille le facteur dérivé des plaquettes sanguines (PDGF). Il régule la croissance et la division cellulaire lors de l’angiogenèse, de la mitogenèse ou de la prolifération. Il y a aussi le facteur de croissance vasculaire endothélial (VEGF). Lui, stimule spécifiquement la formation des vaisseaux sanguins. C’est une cytokine qui favorise la mitose et la migration des cellules endothéliales dès que l’oxygène vient à manquer (hypoxie).

Enfin, il y a le facteur de croissance des fibroblastes (FGF2 ou FGF-bêta). Il intervient au niveau des tissus de soutien embryonnaires (mésenchyme). Son rôle est de permettre aux cellules souches de ces tissus de rester à l’état non différentié. C’est lui qui assure le développement embryonnaire. Il est aussi impliqué dans la croissance cellulaire et la morphogenèse. On le retrouve en activité lors de la réparation des tissus, lors de la croissance tumorale. De manière plus générale, tout processus invasif l’active. 

Une toile d’araignée

Voilà la photo de famille de toute une panoplie de substances chimiques. Selon la manière dont elles interagissent, elles vous facilitent la naissance, la croissance, la réparation ou la guérison. Elles peuvent aussi vous pourrir la vie. C’est ce qui se passe à la mort ou en cas de dégénérescence, de destruction, ou de cancérisation. Inutile de vous dire que ces substances forment une véritable toile d’araignée. Toute action en un point se répercute sur la toile toute entière. D’où l’extrême difficulté voire l’impossibilité de prévoir ce qui va arriver. Pourtant, c’est bien cette toile chimique qui est visée par un grand nombre de médicaments modernes. Avec parfois des succès, mais très souvent des échecs cuisants. On utilise alors les mots pudiques de dommages collatéraux ou bien d’effets secondaires… 

Par Marc HENRY

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