Un mystérieux rayonnement
En 1896, le physicien français Henri Becquerel publie une courte note de quelques lignes au sujet d’un rayonnement mystérieux et nouveau. Voici le texte de cette note très courte qui allait sonner le glas de la physique du dix-neuvième siècle. Elle allait aussi plonger le monde de la physique dans un terrible abîme de perplexité.
« Dans une précédente séance, M. Ch. Henry a annoncé que le sulfure de Zn phosphorescent interposé sur le trajet de rayons émanés d’une tube de Crooke augmentait l’intensité des radiations traversant l’aluminium. D’autre part, M. Niewenglowski a reconnu que le sulfure de calcium phosphorescent du commerce émet des radiations qui traversent les corps opaques. On enveloppe une plaque photographique Lumière, au gélatinobromure, avec deux feuilles de papier noir très épais, tel que la plaque ne se voile pas par une exposition au Soleil, durant une journée. On pose sur la feuille de papier, à l’extérieur, une plaque de la substance phosphorescente, et l’on expose le tout au Soleil, pendant plusieurs heures. Lorsqu’on développe ensuite la plaque photographique, on reconnaît que la silhouette de la substance phosphorescente apparaît en noir sur le cliché. Si l’on interpose entre la substance phosphorescente et le papier une pièce de monnaie, ou un écran métallique percé d’un dessin à jour, on voit l’image de ces objets apparaître sur le cliché. On peut répéter les mêmes expériences en interposant entre la substance phosphorescente et le papier une mince lame de verre, ce qui exclut la possibilité d’une action chimique due à des vapeurs qui pourraient émaner de la substance échauffée par les rayons solaires. On doit donc conclure de ces expériences que la substance phosphorescente en question émet des radiations qui traversent le papier opaque à la lumière et réduisent les sels d’argent.»
Les rayons uraniques
Henri Becquerel vient de découvrir le phénomène de la radioactivité. Il savait que ces rayons mystérieux n’étaient ni des rayons X, ni des rayons cathodiques. En effet, découverts un petit peu plus tôt par son ami Wilhelm Röntgen, la fluorescence X s’arrête dès que l’on coupe la source. Ici la source était bien un sel phosphorescent. Toutefois, il n’y avait aucun moyen d’arrêter l’émission qui se produisait en continu. En 1897, Marie Curie choisit comme sujet de thèse de doctorat, l’étude de ces rayons dits “uraniques” découverts par Becquerel. Car l’on pensait à l’époque que ces rayons n’étaient émis que par des substances contenant de l’uranium.
Or, 15 ans auparavant, le frère de Marie et son époux Pierre avaient mis au point un électromètre extrêmement sensible capable de mesurer de très faibles courants électriques. Grâce à l’électromètre de son mari, elle va ainsi découvrir que les rayons uraniques rendent l’air conducteur du courant électrique. Alors qu’en l’absence de ces rayons, l’air constitue un bon isolant. Marie Curie travailla sur deux minerais d’uranium, la pechblende et la torbernite. Elle remarque alors que l’activité des rayons uraniques ne dépend que de la quantité d’uranium présent.
Pierre et Marie Curie
Elle comprit aussi que le rayon provenait bien de l’atome lui-même et non d’une interaction quelconque avec son environnement. Dès 1898, elle confirme les observations du chimiste allemand Gerhardt Schmidt. Ce dernier avait constaté que l’élément thorium émettait également des rayons “uraniques”. Toutefois, grâce à l’électromètre, Marie constate aussi que la pechblende et la torbernite sont respectivement 4 fois et 2 fois plus actives que l’uranium ou le thorium. Ceci prouvait l’existence d’une substance encore plus active que ces deux éléments.
Elle découvre ainsi en juillet 1898, l’existence du polonium. Toutefois, elle n’arrivera jamais à l’isoler à l’état pur en raison de sa trop courte durée de vie de quelques mois. Puis en décembre 1898, c’est la découverte du radium, nom latin pour “rayon” et à partir duquel ils forgèrent le mot “radioactivité”. En 1902 les Curie arrivent à obtenir 100 mg de dichlorure de radium à partir d’une tonne de pechblende. Ces travaux furent récompensés en 1903 par l’attribution du prix Nobel de physique aux deux époux, Marie Curie devenant ainsi la première femme à obtenir cette prestigieuse distinction.
Rayons alpha et bêta
Après le décès de Pierre dans un accident de la route en 1906, Marie continue ses travaux. Elle arrive en 1910 à isoler le radium à l’état de métal. Ce travail lui vaudra un second prix Nobel, en chimie cette fois-ci dès 1911. Marie Curie reste à ce jour la seule femme ayant obtenu 2 prix Nobel de chimie dans des matières scientifiques. Le physicien néozélandais Ernest Rutherford travaillait pour sa part dans le laboratoire de J. J. Thomson. Dès qu’il apprit l’existence des rayons uraniques, il décida de les étudier afin d’en déterminer leur nature.
En 1898, Rutherford va constater qu’une simple feuille de papier suffit à réduire considérablement la quantité de radiations transmises. Puis, ajoutant une deuxième feuille de papier après la première constata que le rayonnement transmis n’était plus affecté par la seconde feuille. Il en déduisit qu’il devait exister deux types de radiations qu’il baptisa rayons alpha (α) et rayons bêta (β). La feuille de papier était capable d’arrêter les rayons α, mais pas les rayons β.
Électrons et noyaux d’hélium
Il essaya ensuite d’utiliser des champs électriques et magnétiques. Il constata que les rayons β étaient attirés par une électrode positivement chargée. Ils étaient aussi très facilement déviés par un champ magnétique. Par opposition, les rayons α étaient attirés par une électrode négativement chargée. Leur déviation dans un champ magnétique il était très difficilement observable. Il mesura alors la masse des particules constituant ces deux types de rayons. Il trouva que le rayonnement β contenait en fait des électrons. Par contre, la masse des particules responsables des rayons α correspondait à la masse d’un atome d’hélium ayant perdu ses deux électrons.
Rutherford étudia aussi un autre type de rayons découverts en 1900 par le physicien français Paul Villard baptisés rayons γ. Il constata ainsi que ces rayons étaient neutres sur le plan électrique. Ils se comportaient en fait comme de simples ondes électromagnétiques de fréquence encore plus courte que celle des rayons X.
Géologie
C’est le phénomène de radioactivité qui est responsable de l’augmentation de température qui se produit lorsqu’on descend sous terre. Ce phénomène donne naissance à la géothermie. De plus, le phénomène de désintégration radioactive est un processus purement quantique propre à l’atome lui-même. Il ne dépend en rien de l’environnement. Il en découle que les isotopes radioactifs sont de véritables horloges lorsque leur durée de demi-vie est très longue. Les personnes intéressées par ces méthodes de datation pourront se reporter à la page consacrée à la géochronologie.
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