Épisode 6, Covid-19, avril 2020
Science et politique
Nous savons donc maintenant l’importance de la savonnette pour lutter contre le virus SARS-CoV-2 responsable du COVID-19. Car notre gouvernement s’il nous serine avec ce conseil se garde bien de vous expliquer pourquoi le savon est efficace. Je vais ici profiter de cet exemple pour clarifier certaines choses concernant la démarche scientifique. Car, je suis un peu agacé de voir tous ces gens qui n’ont que le mot “science” à la bouche. Ceux qui, pour justifier leur action, répètent ce mot en boucle, sont de fait plus des politiques que des scientifiques. De fait, se laver les mains avec du savon est totalement justifié sur un plan scientifique. Toutefois la décision de confiner les gens chez eux est, elle, politique.
De même, mettre des policiers dans la rue pour verbaliser à tour de bras et fustiger des comportements naturels n’a absolument rien de scientifique. C’est de nouveau un acte de nature purement politique. Chacun doit rester dans son registre. Les dirigeants doivent justifier leurs actes de manière politique en assumant leurs décisions. Ils ne peuvent en aucun cas se retrancher derrière l’avis d’un quelconque conseil scientifique. Car, il y aura nécessairement des points de vue contradictoires les uns avec les autres. La démarche scientifique est en effet par essence contradictoire. Si l’on veut progresser dans la connaissance, il faut bien à un moment donné remettre en cause les vieux schémas éculés. Ceci afin de les remplacer par des schémas tous neufs. Or, lorsqu’ils sont exposés pour la première fois, cela provoque généralement une levée de boucliers.
Mathématiques
Atterré je le suis, lorsque j’entends tous ces politiques dirent qu’ils attendent la preuve scientifique qu’un remède marche pour prendre une décision. Ils peuvent en effet attendre longtemps, puisque la science ne démontre jamais rien. Le concept de preuve est totalement étranger à la science, puisqu’elle progresse toujours par le doute et l’incertitude. Les gens qui parlent de preuve scientifique n’ont juste rien compris. Ils font une confusion regrettable entre les mathématiques, d’une part, et la science d’autre part.
L’activité mathématique n’a en effet pas à se justifier, puisqu’elle se suffit à elle-même. Elle pose des axiomes sans se préoccuper de savoir s’ils sont raisonnables ou pas. Tout le reste découle alors de théorèmes qui sont une succession de certitudes. On ne verra donc jamais un mathématicien douter de ce dont il parle. Si d’aventure il parle, c’est parce que tout ce qu’il dit est sous-tendu par des théorèmes rigoureux. Dans le cadre posé par les axiomes, ces théorèmes sont absolument certains. Si un mathématicien a le moindre doute sur la validité de ses démonstrations il fermera simplement sa gueule. Ceci afin de lever les derniers doutes.
Modèles et conseils
Le scientifique lui parle tout le temps et ne peut que douter. Car son activité ne dépend en rien d’axiomes arbitraires. La science confronte en permanence un modèle d’essence théorique avec une réalité expérimentale. Le modèle théorique est élaboré parfois au moyen des mathématiques. Il peut aussi découler d’une intuition de génie. Toutefois, en science, l’arbitre ultime n’est pas le modèle mathématique, mais bien l’expérience. Par conséquent, on doute toujours de la validité des modèles. Aussi performants soient-ils, l’expérience montre toujours qu’ils sont systématiquement faux. Si l’on doute, il ne peut être question d’avoir « prouvé » quoique ce soit. Tout au plus a-t-on validé les hypothèses et approximations qui sous-tendent le modèle testé.
Si donc un dirigeant s’entoure d’un conseil scientifique pour savoir ce qu’il doit faire, il ne peut que courir à la catastrophe. L’expérience montre en effet que les personnes qui siègent dans ce type de conseil, le font pour des raisons politiques ou économiques. En aucun cas ils le font pour des raisons scientifiques. Si d’aventure, leur motivation était scientifique, le fait qu’ils doutent en permanence les mettra, tôt ou tard, en porte-à-faux avec les décideurs politiques. Puisque eux ont besoin de certitudes et ne peuvent se permettre de douter. Soit vous confinez les gens, soit vous les laisser circuler librement. Il n’y a pas d’autre alternative. En matière politique ce serait un terrible aveux d’impuissance si l’on ne se révèle pas capable de trancher.
Médecine et politique
Donc l’homme politique, le vrai, commence par lire ce qui est écrit et publié par les scientifiques. Il s’appuie ensuite sur son propre jugement pour prendre une décision, à la lumière de ce qu’il a compris. Le problème est que nos dirigeants sont experts dans le maniement de masses colossales d’argent. Leur formation scientifique est, elle, généralement proche de zéro. Elle se limite à de bonnes connaissances en mathématiques, discipline qui n’est pas une science. Que l’on ne vienne surtout pas me dire que certains dirigeants politiques sont des médecins. Car la médecine, tout comme les mathématiques, n’a rien de scientifique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle médecins et mathématiciens peuvent faire de la politique.
Le mathématicien parce qu’il dispose de théorèmes qui illuminent sa décision. Le médecin, lui, ne dispose d’aucun théorème,. Il peut par contre s’appuyer sur une connaissance clinique datant de plusieurs millénaires. Cette connaissance ne doit rien à la science. En effet, tout médecin sait par expérience, que le meilleur moyen de faire mourir son patient est d’avoir une approche scientifique de la maladie. Car, le temps de faire tous les tests pour définir un protocole, les morgues, elles, se remplissent.
Pire, le médecin scientifique s’engage à prescrire un produit inoffensif (placebo). Alors que la personne qui accepte de participer aux tests est peut-être en danger de mort. Bref, ceux qui s’engagent dans cette voie de la médecine fondée sur les preuves sont peut-être de bons scientifiques, mais ils sont surtout de mauvais médecins.
Composition du gel
Ceci m’amène à vous parler du gel hydro-alcoolique. Ce produit s’illustre aussi, depuis le début de la crise, par sa brillante absence des rayonnages des pharmacies. Ici aussi, la science a son mot à dire. Ce, indépendamment de tout essai randomisé en double aveugle. Puisque je me base sur de la connaissance et non sur de l’ignorance. Voici la recette du gel miracle disponible sur le site de l’OMS : 8333 mL d’éthanol absolu (96 %), 417 mL d’eau oxygénée à 3 % et 145 mL de glycérol. On complète le tout à 10 litres avec de l’eau distillée ou osmosée.
La première constatation est qu’il n’y a aucun détergent. Autrement dit de molécule présentant une partie lipophile de grand volume soudé à une partie hydrophile de petite taille. Donc, impossible de définir un facteur de forme pour savoir si l’enveloppe du virus pourra être déstabilisée. Alors comment le gel va-t-il faire pour nous protéger du virus ? Sincèrement, pour ce qui concerne les virus, il m’est impossible de répondre. Par contre la réponse est claire pour les bactéries. Elle tient en deux mots qui feront sourire ceux qui me connaissent bien : activité de l’eau.
Solvatation et solubilité
On sait que toute cellule vivante est constituée à 99 % de molécules d’eau. Ce fait est immortalisé par la sagesse populaire dans la phrase : « L’eau c’est la vie ». Maintenant, l’eau présente la caractéristique essentielle d’être le solvant universel de toute espèce chimique. Que cette espèce soit de nature minérale ou organique. Il convient ici de ne pas confondre solvatation et solubilité. La solvatation est l’interaction chimique entre deux molécules. La solubilité est, pour sa part, un bilan thermodynamique entre deux phases. C’est-à-dire un constat établi entre deux substances faites de milliards de milliards de millions de molécules. Donc, l’eau solvate tout, même si elle n’est pas forcément miscible avec d’autres liquides. Comme l’huile par exemple.
Activité de l’eau
Concrètement, cela signifie que l’eau pure n’existe pas. Elle contient toujours en proportions plus ou moins variables des solutés. C’est ici qu’intervient la notion d’activité de l’eau, concept crucial de l’industrie agro-alimentaire. Puisque l’eau est le solvant universel, toute substance est nécessairement plus ou moins hydratée. Elle va donc chercher à retenir son eau de constitution de manière plus ou moins forte. L’activité de l’eau aW mesure précisément cette force d’attraction d’une substance pour l’eau. La valeur aW = 0 correspondant au cas idéal d’une substance totalement anhydre. La valeur aW = 1 correspond, elle, à de l’eau pure dépourvue de solutés.
Tous les industriels qui travaillent avec des denrées périssables savent qu’en dessous de la valeur aW = 0,6, aucune cellule ne peut survivre. Tout simplement parce qu’il n’y a pas assez d’eau dans son environnement pour assurer ses fonctions vitales. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on peut conserver un paquet de riz indéfiniment sans craindre de développement fongique ou bactérien. Car, s’il est bien sec, son activité d’eau est très faible (aW < 0,1). Si 0,6 ≤ aW ≤ 0,9, il peut par contre y avoir développement de moisissures. Tandis qu’au-delà, ce sont les bactéries qui peuvent commencer à proliférer. D’où la nécessité de conserver au réfrigérateur toute substance fortement hydratée (viande, légume frais, poissons, crustacés, etc.).
Gel versus savon
Comme on a pu le voir dans la recette donnée plus haut, le gel hydro-alcoolique est essentiellement un mélange d’eau et d’alcool. Il possède une activité d’eau aW = 0,3. Autrement dit, dès que l’on dépose ce gel sur les mains, aucune bactérie ou moisissure ne peut survivre. Par contre, comme le virus ne possède aucune machinerie cellulaire, il pourra survivre sans encombre. D’où l’ajout d’eau oxygénée qui est un agent oxydant très puissant. Cette molécule modifie de manière irréversible les acides aminés des protéines. Le glycérol est quant à lui là pour faciliter le passage de l’éthanol et de l’eau oxygénée depuis l’extérieur, vers le milieu intracellulaire. Toute cellule dispose en effet de canaux dédiés au passage de cette molécule.
Aucune forme de vie, même les virus, n’aime l’eau oxygénée. Les cellules de votre peau non plus d’ailleurs. Utiliser le gel hydro-alcoolique est le meilleur moyen pour creuser de profondes crevasses dans votre peau si douce. On affaiblit ainsi fortement les vertus protectrices de l’épiderme. Bref, entre le gel hydro-alcoolique et le savon, il n’y a pas photo. Le gel ne devrait être utilisé qu’avec une parcimonie extrême. Seulement dans des cas d’urgences ou l’on sait que l’on est exposé à des agents pathogènes et qu’il n’y a pas d’eau à proximité.
Car, pour que le savon soit efficace, il faut de l’eau… D’où ma stupeur, de voir le gel hydro-alcoolique, un produit agressif, vanté comme un produit absolument indispensable. Alors que c’est plutôt le savon qu’il faudrait valoriser. Comme toujours, entre un produit efficace qui ne coûte quasiment rien et un produit toxique qui coûte cher, on ne parlera que du produit onéreux. Car, il permet de gagner plus d’argent. Triste époque…
Par Marc HENRY
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