Épisode 21, Covid-19, mai 2020
Complément d’enquête, France 2
Les médias français sont-ils objectifs lorsqu’ils parlent de l’épidémie de COVID-19 ? La question mérite d’être posée. Aussi, quand France 2 annonça la diffusion jeudi 28 mai d’un «Complément d’enquête » sur le COVID-19, j’ai sursauté de joie. Le titre était d’ailleurs particulièrement alléchant : « Les derniers secrets du COVID ». Venant juste de terminer ma chronique numéro 20, j’étais tout émoustillé comme un gardon frétillant. En effet, j’ai toujours adoré que l’on dévoile les secrets. Là se présentait justement une excellente occasion.
L’émission démarre donc avec un reportage en Amazonie de 9 minutes sur les chauves souris vampires Trachops Cirrhosus. Grosse déception, car ces chauves-souris sont accusées de véhiculer le virus de la rage. Or, moi ce qui m’intéresse, ce sont les espèces Rhinolophus (affinis, lamatanus, larvatus et stheno) que l’on trouve dans le Yunnan. Car ce sont bien elles que l’on soupçonne d’avoir fourni la charpente du SARS-CoV-2. Les minutes qui suivent sont consternantes. On y accuse les grands singes de nous avoir infecté avec le virus HIV. En plus de la rage et d’Ebola, les chauves-souris nous infectent d’une kyrielle de coronavirus. Pour les porcs et les oiseaux, c’est le virus de la grippe. Il y a aussi les moustiques pour le Zika. Cela s’appelle la “zoonose”.
La nature est dangereuse
Puis on apprend que l’on risque la mort à tout instant en se promenant au bord d’une rivière… Là, pas de virus car c’est le territoire de la leptospirose, maladie bactérienne véhiculée par les rats. Des rats on passe aux ragondins, nuisible sans prédateur de nos campagnes. Pour bien montrer qui est le maître à bord, on nous explique le traitement préconisé pour ces sales bêtes. La mise en cage via des pièges, suivie d’une balle dans le crâne. Heureusement on nous épargne l’image et l’on a que le son du coup de feu salvateur. Avec une belle image d’une rivière serpentant dans un paysage verdoyant. Juste avant l’exécution, on avait pu voir le museau malicieux et les yeux pétillants de vie dudit « nuisible ».
Je commence à être mal à l’aise. Quand je vois qu’à 15 minutes on retourne en Amazonie, je me dis que le Yunnan semble bien loin. On parle maintenant paludisme, lèpre et leishmaniose chez les orpailleurs. Là ce sont les paresseux qui sont sur le banc des accusés. Il y a aussi les terrifiants singes écureuils. L’Amazonie serait donc un repère de bêtes malsaines et un nid à virus, bactéries et autres parasites. On demande alors aux autochtones comment ils arrivent à survivre dans cet enfer. Ils ne savent pas, mais par contre on apprend qu’ils boivent de l’eau non traitée…
Qualité de l’eau
Une pensée fugace me traverse l’esprit. Si c’était l’eau la vraie responsable de toutes ces maladies ? Car je connais très bien l’orpaillage et la masse de poisons qui filent dans l’eau pour quelques grammes d’or. Bien évidemment, le reportage ne s’attarde pas sur une explication aussi simple. On insiste plutôt sur la déforestation absolument nécessaire pour faire de l’agriculture. Nouvelle pensée fugace. Quid des pesticides qui filent eux aussi dans l’eau ? Car, comme chez nous, l’épandage n’est pas vraiment contrôlé. Bref, je ne doute pas un seul instant que ces gens soient très malades. Peut-il en être autrement vu l’eau qu’ils boivent ? Tous ces microbes et parasites ne trouvent-ils pas dans ces corps rongés par les toxines, un excellent terrain pour proliférer ? Surtout, quid du SARS-CoV-2 et de ses secrets ?
Marseille
L’idée m’effleure que tout cela a pour simple but de meubler le temps et de noyer le poisson. Heureusement à 24 minutes on quitte l’Amazonie pour Marseille. Là je me dis qu’il va y avoir enfin de l’ambiance avec un Didier Raoult survolté, barbichette en avant. Que nenni, on nous parle d’un laboratoire du CNRS qui pleurait misère depuis des lustres. Puis soudain, comme par magie, des centaines de milliers d’euros pleuvent comme vache qui pisse pour étudier le SARS-CoV-2. Pas l’ombre d’une barbichette à caresser à l’horizon… Le pape des virus a sûrement autre chose à faire que recevoir France 2. Puis d’ailleurs quand il daigne recevoir des journalistes, ces derniers ne sont pas à la fête.
La vingt-neuvième minute de l’émission nous fait découvrir l’enfer vécu par les J+60. Personne ne semble comprendre pourquoi ces gens sont encore malades 60 jours après avoir été infecté. Grosse émotion à la trentième minute où je vois un malade se soigner avec un bol d’air Jacquier. Car, c’est le seul truc qui semble marcher nous dit un ex-malade toujours pas guéri. Bien sûr le nom de Jacquier ne sera même pas cité. Un truc qui marche, pensez-vous ! Absolument aucun intérêt. Je tiens vraiment à remercier ici le caméraman. Car, d’un geste preste, il nous montre pendant une brève seconde la marque de l’appareil. L’honneur de France 2 est sauvé et pour cela il sera soit décoré, soit mis à la porte.
Que sait-on exactement ?
Retour donc à un cardiologue qui nous explique que de toute manière l’on y comprend rien. Cela ne peut donc être que génétique. Pour certains, c’est la faute à pas de chance, z’avaient qu’à pas avoir les mauvais gènes. Refrain hélas connu. Un ange de l’épigénétique passe, visiblement déçu qu’on ne lui demande pas son avis. Nous en sommes à la quarante-septième minute et je commence à broyer du noir.
L’entracte est assuré par Karine Lacombe qui nous répète inlassablement : « on ne sait pas ». De temps en temps, c’est « on découvre », ou alors « il y a plein d’inconnues ». Bigre, mais alors pourquoi ne pas demander plutôt à Raoult ? Car lui au moins il a l’air de savoir de quoi il parle. C’est vrai, j’avais oublié, Lacombe et Raoult, c’est pas le grand amour. Alors que je commence à somnoler, une phrase clé prononcée par Mme Lacombe me faire sursauter. Primum non nocere. Car cette phrase qui date de 2 500 ans sonne, dans la bouche d’un médecin moderne, comme une véritable obscénité. Mme Lacombe ne sait-elle point que la médecine d’Hippocrate a été ridiculisée en 1671 par Nicolas Boileau dans un pamphlet resté célèbre ? Sait-elle aussi qu’en 1910, elle a été définitivement bannie de la médecine par le rapport Flexner ?
Hippocrate
Je ne résiste pas ici à l’envie de vous citer le passage dans son entier. Il arrive après l’exposition des 4 tempéraments ou humeurs : sang, phlegme (lymphe), cholère (bile jaune) et atrabile (bile noire) :
« On doit d’ailleurs faire attention aux autres signes ; connaître le présent, le passé, et présager l’avenir, c’est à quoi il faut mettre tous les soins. Il y a deux objets à étudier dans les maladies : soulager et ne pas nuire. L’art consiste dans ces trois choses : la maladie, le malade et le médecin. Celui-ci, ministre de l’art, s’oppose à la maladie. Le malade doit agir de concert avec le médecin pour combattre la maladie. »
J’aime bien remettre tout le contexte puisqu’à l’époque présager l’avenir impliquait d’être astrologue. Puis, le malade faisait clairement partie du triptyque. Rappelons qu’aujourd’hui le malade est simplement un patient. Que le combat ne se fait pas entre un médecin et une maladie. Il se fait plutôt entre un médecin et des microbes. C’est quand même pas la même chose. Voir un médecin, adepte du tout chimique, parler d’Hippocrate me fait donc toujours marrer. Toutefois, on sait que le ridicule ne tue plus depuis bien longtemps.
Bat Woman et Wuhan
Exit donc Mme Lacombe à la cinquante-quatrième minute pour attaquer enfin le gros morceau. Que s’est-il donc vraiment passé dans ce fameux laboratoire P4 de Wuhan dirigé par Mme Shi Zhengli, alias « bat woman » ? Le suspense est à son comble et la France retient son souffle. On n’est alors pas déçu de retrouver nos champions sur scène. Jacques Chirac qui lance l’idée en 2004, suite à l’épidémie de SRAS de 2003. Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre, lui œuvre comme exécuteur des basses œuvres. Cela renâcle dans l’armée. Il faut donc envoyer en 2007 le baroudeur Bernard Kouchner. Le projet sera débloqué en 2008 par Alain Mérieux, grand ami du président chinois Xi Jinping. Car Mr. Mérieux a construit son propre laboratoire P4 à Lyon dès 1999.
Les travaux démarrent donc en 2010 et s’achèvent en 2015. Le bâtiment ne sera accrédité qu’en février 2017 lors d’une visite de Bernard Cazeneuve. La France aime alors la Chine, mais visiblement pas pour très longtemps. En décembre 2019 le P4 abrite 2000 souches de coronavirus collectées sous la houlette de bat woman. Dans ma grande naïveté, je pensais que l’on verrait enfin des images du P4 de Wuhan. Que nenni, car les images seront celles du laboratoire de Genève, plus coopératif. Tout ce que l’on pourra savoir, c’est qu’un petit malin a cherché à revendre des cobayes sur le marché de Wuhan.
Le SARS-CoV-2 est naturel
Par contre, j’apprends qu’il existe aussi deux laboratoires P3, nettement moins sécurisés à Wuhan. Au lieu de creuser la piste, on passe après la soixante-dixième minute à la théorie du complot. Un spécialiste, Simon Wain-Hobson, nous rassure en 30 secondes. Il déclare de manière formelle que le virus est naturel. J’attends en vain, une interview de Luc Montagnier qui n’est pas vraiment d’accord avec ce monsieur. Circulez, il n’y a plus rien à voir, sauf de la publicité pour le livre de la sinologue Alice Ekman.
Je tenais à vous résumer cette émission pour vous faire économiser du temps. Aussi, pour souligner le caractère très diaphane, pour rester poli, de nos journalistes. On aurait pu par exemple parler de ce fameux insert de 4 acides aminés (PRRA) à la jonction S1-S2 de la protéine S du SARS-CoV-2. Voir ici pour la correspondance entre lettres et acides aminés.
SARS-CoV GZ02 : YECDIPIGAGICASYHTVSLLøøøøRSTSQKSIVAAYTMSLGADDSSI
Bat RaTG13 : YECDIPIGAGICASYQTQTNSøøøøRSVASQSIIAAYTMSLGADENSV
SARS-CoV-2 : YECDIPIGAGICASYQTQTNSPRRARSVASQSIIAAYTMSLGADENSV
Un site bien peu sympathique
Car la séquence basique PRRAR permet à une protéine humaine, la furine, de couper la protéine S en deux morceaux S1 et S2 (le missile). Un insert qui fait que le virus SARS-CoV-2 est infectieux chez l’homme, alors que son « papa », RaTG13, ne l’est pas. Ce site de clivage se retrouve aussi présent dans des virus bien peu sympathiques : HIV, grippe, dengue, virus Ebola virus de Marburg, MERS-CoV, papillomavirus. Les toxines de l’anthrax et l’exotoxine de la bactérie pseudomonas entrent aussi dans la cellule après clivage par la furine. Je sais bien que la plupart des virologues pensent que cet insert de 4 lettres peut être le fruit d’une mutation naturelle. Ils ne peuvent pas non plus le démontrer.
Donc, la «bonne information», bien de chez nous me semble bien orientée. Car j’ai appris que je risque ma vie chaque fois que vais dans la nature. Que je peux aussi rester malade pendant plus de 60 jours et peut-être ne jamais guérir. Que si l’on ne sait rien sur le virus, on est cependant certain qu’il est naturel. Bref, la nature est dangereuse et heureusement qu’il y a la société pour nous protéger. Si cela rassure ma tête, mes tripes, elles, font glouglou. Quant à mon cœur, il me dit que l’on nous mène en bateau.
Par Marc HENRY
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