Épisode 30 Covid-19, juin 2020
Essais thérapeutiques
Je voudrais dans cette chronique faire le point sur les essais cliniques en cours pour traiter le COVID-19. La figure qui accompagne cette chronique montre que le monde scientifique ne chôme pas. On y voit des ellipses ou nœuds qui représentent les types d’interventions. Chaque ligne entre deux cercles indique une comparaison entre essais cliniques. Il y a aussi les chiffres sur les lignes qui correspondent au nombre d’essais cliniques tentant de faire des comparaisons spécifiques. Les flèches circulaires indiquent quant à elles le nombre d’essais cliniques non comparatifs où l’intervention est incluse. Ainsi, au 21 avril 2020, on a recensé pas moins de 500 essais cliniques en cours ou programmés.
Pour ceux que cela intéresse, voici un site interactif, où l’on peut suivre en direct à l’échelle mondiale :
On notera que tous ces essais ne se font pas avec un protocole randomisé en double aveugle. Car, cela prendrait trop de temps et coûterait trop cher. Lorsqu’on développe une médecine de riches pour des riches, l’aspect financier interfère avec l’aspect scientifique. Pour que l’aspect scientifique soit prépondérant, il convient de travailler avec des molécules bien connues. Celles où l’enjeu commercial et la rentabilité n’entre plus en ligne de compte.
Le podium
La première chose qui frappe, si l’on regarde le menu déroulant à droite, c’est le trio de tête. Il y a, bien sûr, l’(hydroxy)chloroquine suivie d’un label « autres ». En troisième position on trouve les médecins naturelles chinoises. Ceci est naturel, dans la mesure où l’épidémie de COVID-19 est partie de Chine. Or, dans ce pays, avaler des pilules de toutes les couleurs n’est pas la seule manière de soigner les gens. En Europe, c’est un peu pareil. Sauf que là, tout ce qui n’est pas d’ordre chimique est systématiquement dénigré. La récente affaire du déremboursement des médicaments homéopathiques est là pour en témoigner.
Que n’a-t-on pas dit au sujet de l’(hydroxy)chloroquine ? Eh bien, le principal. À savoir, la raison scientifique pour laquelle ces molécules semblent efficaces. La science a, de fait, été la grande absente des nombreux débats ou articles ayant agités la sphère médiatique sur ce sujet. Cela donne une idée de l’état de déliquescence avancé de notre société. L’émotion a ainsi laissé la place à la rigueur. Car, le propre du scientifique, c’est d’avoir un minimum de rigueur. Or, il y a une publicité très révélatrice, où l’on voit un monsieur en blouse blanche baratiner quelqu’un. La personne qui écoute le discours baille à s’en décrocher la mâchoire et finit par s’endormir.
Les médias et la science
Les médias, terrorisés par le caractère supposé soporifique de tout débat scientifique, sont donc sans pitié. Ils censurent la science pour ne montrer que des gens qui s’agitent, qui hurlent et qui s’invectivent. Les rares cas où l’on daigne parler science, on adopte un ton enfantin. Car on estime que les gens sont en moyenne des gros nuls. Sauf, sur ARTE et dans une moindre mesure sur France5. Entre une émission sur ARTE ou un talk-show bien sanglant, le choix est vite fait. On préfère le talk-show, non pas parce que l’on est bête ou nul, mais parce que cela demande moins d’effort. Quand on rentre crevé du boulot, se planter devant une émission qui fait réfléchir peut vous valoir un bon roupillon.
Pour ma part, je suis convaincu qu’être rigoureux ne signifie en rien, être ennuyeux ou rébarbatif. De même, je ne vais pas vous parler des traitements du COVID-19 sur un ton enfantin. Car, si les recherches actuelles aboutissent, il va falloir, en cas de maladie, absorber des trucs chimiques pas très sympathiques. Or, savoir ce que l’on introduit dans son corps est un droit fondamental de l’être humain, que l’on soit malade ou pas. Je dirais même plus. Cela est d’autant plus important que l’on est malade. Car dans ce cas on est plus vulnérable. Je vais donc prendre les traitements par nombre décroissant.
(Hydroxy)chloroquine
La chloroquine est une molécule de synthèse de la famille des amino-4-quinoléines. On la trouve sous forme de sels de sulfate et de phosphate, disponible en France sous le nom de Nivaquine. Elle est utilisée depuis fort longtemps comme traitement préventif de première intention du paludisme. Ceci en raison d’une bonne tolérance au long cours. La capacité de la chloroquine à se concentrer dans les hématies parasitées rendrait compte de son efficacité particulière pour les stades érythrocytaires du développement du parasite Plasmodium falciparum. Son mode d’action reste toutefois incomplètement élucidé. Il est classiquement admis qu’elle se lierait à la ferriprotoporphyrine IX pour produire un complexe toxique pour le parasite. La chloroquine, et elle a longtemps été utilisée.
C’est aussi une substance reconnue comme anti-inflammatoire et antivirale en sus d’être un anti-paludéen. On l’utilise donc sur un groupe particulier de maladies auto-immunes, essentiellement composé du lupus, de la polyarthrite rhumatoïde, et du syndrome de Sjögren. Ici aussi, la compréhension des capacités immuno-modulatrices ou anti-inflammatoires de l’hydroxychloroquine est encore très incomplète. De façon générale, la chloroquine et ses dérivés sont capables de réduire l’acidification des lysosomes. Or, l’acidité des lysosomes est essentielle pour que l’« autophagie » des cellules puisse se faire de façon optimale.
Ce même mécanisme de blocage de l’acidification des vésicules intra-cytoplasmiques pourrait être responsable des priorités antivirales. En effet, comme expliqué dans la chronique n°4, les virus enveloppés, comme le coronavirus, pénètrent dans les cellules grâce à une étape de fusion entre leur membrane externe et celle de la cellule. Cette endocytose ne peut justement se faire que dans des conditions acides très particulières. Par conséquent, toute incapacité à obtenir le pH idéal peut bloquer la fusion des membranes. Ce mode d’action expliquerait le spectre antiviral potentiellement assez large de l’(hydroxy)chloroquine.
Lopinavir/Ritonavir
D’autres traitements testent la combinaison Lopinavir/Ritonavir (Abbott, Kaletra®). Le Lopinavir est un inhibiteur puissant de la protéase du HIV, qui assure le clivage de sa polyprotéine gag-pol. En effet, il s’agit molécule dite « peptido-mimétique ». Elle possède un squelette qui ressemble à la liaison peptidique ciblée par l’enzyme protéase du HIV, mais qui ne peut pas être clivée. Les virions ainsi produits sont immatures et donc non-infectieux. Le problème est que le Lopinavir est très vite dégradé par les enzymes CYT-P450 hépatiques. C’est à ce niveau qu’intervient le Ritonavir qui est un inhibiteur puissant des enzymes qui métabolisent le Lopinavir. Il augmente ainsi considérablement la biodisponibilité de ce dernier. Hélas, on a recensé plus de 16 d’effets secondaires tous très désagréables de ce médicament. Mieux vaut donc s’armer de courage si d’aventure on cherche à vous le prescrire.
Tocilizumab et Sarilumab
Le Tocilizumab a lui aussi son heure de gloire, certes très éphémère. Il s’agit ici d’un anticorps monoclonal recombinant humanisé développé depuis 2003 par la société suisse Roche. C’est la raison d’être des trois lettres « mab », acronyme anglais pour monoclonal anti-body. Pour ceux qui ont oublié, le nom de Roche est intimement lié à la catastrophe du 10 juillet 1976 à Seveso en Italie. On peut mettre aussi dans cette catégorie le Sarilumab, développé depuis 2017 par Sanofi pour traiter l’arthrite rhumatoïde. Rien à voir ici avec le COVID-19, car ces molécules inhibent le récepteur de l’interleukine-6 (voir chronique n°14). Le seul intérêt est que le COVID-19 passe par une phase que l’on retrouve dans les maladies inflammatoires et auto-immunes. Voir la chronique n°18 pour voir comment l’on peut bidouiller des anticorps ou des virus.
Corticostéroïdes
Je ne parlerais pas des traitements utilisant l’interféron. On pourra pour cela se référer à ce qui a été dit dans les chroniques 12 à 14. Les corticostéroïdes, comme la dexaméthasone (fluorée en position 9) n’ont également aucun lien avec le COVID-19. Leur seule utilité est de pouvoir traiter l’orage de cytokines, chez ceux qui en arrivent à ce stade. Car il s’agit de molécules que l’on utilise en cas d’infections bactériennes avec inflammation. Grâce à elles, on peut inhiber l’apoptose des neutrophiles, ainsi que les facteurs de transcription inflammatoires, comme la belle endormie NF-kappa-B (chronique n° 14).
On diminue aussi la quantité d’acide arachidonique produit par la phospholipase A2. Si les faibles doses sont anti-inflammatoires, les fortes doses sont plutôt immunodépressives. Les corticostéroïdes augmentent aussi le taux de sodium et font baisser le taux de potassium. De ce fait, on gonfle comme une outre, suite à la rétention d’eau. On dénombre aussi plus de 25 effets secondaires tous très pénibles. Donc, si le cœur vous en dit, n’hésitez surtout pas.
Favipiravir
On trouve ensuite, les traitements basés sur le Favipiravir. Il s’agit d’un composé formé d’un cycle pyrazine mono-fluoré portant une fonction carboxamide (-CONH2) et une fonction alcool. Cet agent anti-viral sélectif est proposé par la firme japonaise Toyama chemical, filiale de Fujifilm. Ben oui, quand il devient impossible de produire des films photos, on se recycle dans la biotechnologie. Car, dans les deux cas , il faut fabriquer en grandes quantités des produits chimiques. Une fois lié à l’ARN polymérase ARN-dépendante RdRp des virus à ARN, cette molécule empêche la transcription et la réplication du virus.
C’est donc un anti-viral à large spectre très efficace contre le virus de la grippe et les virus responsables des fièvres hémorragiques comme le virus Ebola. Il peut agir là où les anti-viraux conventionnels échouent. Donc, pourquoi pas avec le COVID-19 ? Hélas, il semble être aussi un bon tératogène, très toxique pour la fertilité. Idéal si vous souhaitez accoucher d’un monstre ou bien ne plus avoir d’enfants.
Remdésivir
Que penser du Remdésivir de Gilead Sciences ? Il s’agit d’un analogue de l’adénosine triphosphate utilisé dès 2016 pour lutter contre le virus Ebola, le virus Marburg et les coronavirus. Cette molécule a la capacité de s’insérer dans tout brin ARN. Ce faisant, il inhibe l’action de l’ARN-polymérase qui est incapable d’ajouter de nouveaux nucléotides. Ce qui est certain, cependant, c’est que cette molécule n’est pas seulement incorporée dans le matériel génétique du virus.
Elle entrave également la reproduction saine de toutes les autres cellules du corps. Les cellules les plus endommagées sont celles qui se multiplient rapidement comme les cellules sanguines qui sont formées dans la moelle osseuse. D’où une réduction des globules rouges (érythrocytes), des plaquettes sanguines (thrombocytes) et des globules blancs (leucocytes). On appelle cela la « myélotoxicité ». Recommandé si l’anémie, les troubles de la coagulation sanguine et surtout l’affaiblissement du système immunitaire vous tentent.
Umifénovir
Je terminerais par l’umifénovir, un anti-viral hybride sino-russe commercialisé sous la marque Arbidol (Pharmstandard), pour traiter la grippe. Il s’agit d’un dérivé indolique synthétisé dans les années 1970 en URSS et repris en Chine dès 2006 pour traiter les cas de grippe aviaire. Son mode d’action est double. D’une part l’umifénovir s’insère dans les membranes lipidiques artificielles (liposomes) et les rigidifient. Cette insertion se réalise d’autant mieux que le pH est acide.
D’autre part, il peut interagir avec les régions de protéines virales responsables de l’entrée et de la fusion virale. Il s’agit d’un produit assez trouble, où j’ai été incapable de trouver une liste d’effets secondaires. Vu sa formule chimique, cela me semble très bizarre. Produit inconnu à l’ANSM (France), l’EMA (Europe) ou à la FDA (USA). Bref, le produit idéal pour les durs à cuire, ceux qui n’ont peur de rien.
Le zinc
Voilà, que conclure de tout cela ? Pas grand-chose. Sauf qu’il existe un oligo-élément dont la carence vous garantit des tas de problèmes d’ordre immunitaires. Il s’agit du zinc. Donc, un bon conseil, avant d’absorber ce genre de drogues (y compris la chloroquine), pensez à vérifier où vous en êtes du côté zinc. Toutefois, évitez les compléments alimentaires où il n’y a que du zinc. Les minéraux doivent en effet toujours être pris en groupe pour les raisons expliquées ici.
On en revient ainsi à l’eau de mer de Quinton. J’en prends une ampoule, hypertonique, chaque matin au réveil. Comme il n’y a que 0,529 µg/L de zinc dans l’eau de mer, je prends aussi des noix de cajou (Zn = 5,35 mg/100 g) avant chaque repas. Juste une routine. Pour être tranquille du côté zinc. Car les huitres (Zn = 90,95 mg/100 g), c’est pas vraiment mon truc.
Par Marc HENRY
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