52•Des oreilles, des yeux et des preprints

52•Des oreilles, des yeux et des preprints

Épisode 52 Covid-19, octobre 2021

Résumé de l’épisode précédent

Dans la chronique précédente, je vous ai indiqué comment rester zen dans la folie ambiante. Il faut toujours garder son sang-froid en tentant de restituer l’information fournie dans un contexte. Si aucun contexte ne peut être trouvé, l’information est simplement digne de la poubelle. Je rappelle aussi que toute information faisant référence à des brevets est inutile. Car, on peut breveter n’importe quoi. Avoir un brevet en main ne signifie en rien qu’il a été exploité dans la vie réelle. Par contre, cela renseigne sur ce qui trotte dans la tête de certains fous furieux dès lors qu’ils disposent d’une masse financière suffisante. Cela peut être intéressant, mais cela totalement déconnecté de la vie réelle si le brevet date de moins d’une dizaine d’années.

Une vie avant internet…

Aujourd’hui, je vais m’intéresser aux  fameux preprints qui peuvent aussi véhiculer des informations alarmantes. En premier lieu, sachez qu’au début de ma carrière scientifique (année 1980), il n’y avait pas de preprints. Pour la simple et bonne raison qu’internet n’existait pas. L’accès aux preprints est la conséquence du développement exponentiel d’Internet dans les années 1990. Avant internet, seule la publication acceptée après relecture par les pairs était accessible. Et, uniquement sous forme papier. Cela permettait d’avoir une information fiable et utile. Il fallait se déplacer physiquement pour aller dans une bibliothèque abonnée aux revues scientifiques. Car, les abonnements étaient hors de prix pour des particuliers. Seuls des experts affiliés à une université ou à une industrie avait accès aux données. L’information étant rare et chère, elle était de bonne qualité. 

Aujourd’hui, il y a internet et « l’open access ». Par conséquent, n’importe qui peut accéder à une information pléthorique et gratuite. D’où une information de qualité très médiocre, car brute et dénuée de tout contexte. La révolution informatique a aussi eu pour conséquence de faire préférer la vidéo à l’audio. Avant, on écoutait plus la radio et moins la télévision. Or, il faut savoir que l’information sonore est toujours de bien meilleure qualité que l’information visuelle. 

Un corps, des oreilles et des yeux

Tout simplement parce que l’on écoute avec tout son corps et pas seulement avec les oreilles. Par contre, on ne peut voir qu’avec ses yeux qui sont le prolongement direct d’un seul organe du corps : le cerveau. Mais, si le corps est incapable de mentir, le cerveau peut mentir effrontément. Donc, quand vous êtes privés d’images (radio) vous êtes obligés de combiner deux sources d’information. La première qui vient du corps et qui ne peut pas être truquée. Par contre, la deuxième qui vient des oreilles, autre prolongement du cerveau, peut être indifféremment véritable ou truquée. 

Dès que vous avez l’image avec le son, vous disposez de deux sources d’information (yeux et oreilles) pouvant être truquées contre une seule qui ne peut mentir (corps). Dès lors, le corps passe en mode sourdine et l’on n’est piloté essentiellement que par le cerveau, ce menteur impénitent. D’où la confusion actuelle, puisque l’on devient esclave des vidéos. La meilleure preuve de ce que je dis est que l’on peut tout faire avec son corps en écoutant la radio. Y compris l’éteindre si le corps réagit de manière négative à l’information distillée. Par contre, devant un écran, on est comme hypnotisé et le corps ne bouge que très peu. Sauf pour boire une bière ou engloutir de la nourriture. Le corps bouge tellement peu, que même le geste d’éteindre l’ordinateur ou la télévision demande un effort surhumain.

De l’intérêt de la lecture

Tout ceci, afin de vous distiller un conseil crucial pour échapper à la folie ambiante. Ne pas regarder de vidéos, que ce soit à l’ordinateur ou à la télévision. Par contre, vous pouvez lire ou à la rigueur écouter des temps en temps la radio. Mais, pas trop souvent, car les oreilles sont connectées directement au cerveau. Par contre, avec la lecture, tout va bien. Les oreilles sont inutiles et les yeux n’ont plus d’images en mouvement. Ceci évite tout délire psychique. Les yeux sont, de fait, forcés de décoder une suite de signes abstraits formés de moins de 256 caractères. Tâche hautement rébarbative qui focalise le cerveau sur la recherche d’une certaine forme de vérité.

Regarder en permanence la télévision est donc la pire chose à faire. C’est cela qui vous fera basculer dans la peur. Et, vous rendra docile à tout type de manipulations. Si vous ressentez le besoin d’avoir des informations télévisuelles, faites comme moi. Ne dépassez pas une demi-heure par jour. Cela suffit largement pour avoir une dose raisonnable de mensonges persillée de quelques vérités difficile à cacher.

Des chiffres à manipuler avec précaution

Autre conseil, ayez une méfiance instinctive pour les chiffres. Car, manipuler les chiffres nécessite un savoir faire que l’on n’apprend pas à l’école ou au lycée. En fait, on y apprend comment opérer avec les chiffres (comptabilité) mais sûrement pas comment les interpréter correctement (décision à prendre). Quand on n’a pas été formé à l’interprétation des données chiffrées, le mieux est de les ignorer purement et simplement. Parce que les chiffres s’adressent encore une fois au cerveau et non au corps. Fort heureusement, la nature nous a doté d’un autre organe qui permet de prendre des décisions sans avoir recours aux chiffres. Cet organe, c’est le cœur qui fonctionne à l’intuition pure sans jamais faire de calcul.

Pour surmonter cette crise, il nous faut donc apprendre à se fier à notre intuition. Et, donc ignorer tout raisonnement chiffré qui ouvre grande la porte au mensonge. Car, comme le corps, le cœur ne sait pas mentir. Si l’intuition est toujours juste, le calcul, lui,  est très souvent faux. Ceci ne veut bien sûr pas dire que les chiffres sont dénués d’intérêts. Ils peuvent même s’avérer utiles à partir du moment où ils arrivent à la même conclusion que l’intuition. Le grand physicien John Archibald Wheeler, l’a très bien dit en quelques mots : « Ne jamais faire de calcul sans connaître le résultat ». Or, c’est précisément le drame de notre époque. Aujourd’hui, on fait des calculs pour avoir des résultats sans les connaître à l’avance. Bref, on méprise notre intuition, seule source de vérité, pour se vautrer dans le mensonge rassurant des chiffres.

Un exemple concret

Pour être clair, je vais prendre un exemple concret. Un ami à moi s’est inquiété d’une information trouvée dans un préprint du serveur medRxiv consultable ici. Cette étude s’intéresse aux garçons âgés de 12 à 17 ans sans comorbidités médicales. On y apprend qu’ils sont plus susceptibles de développer un événement indésirable cardiaque nécessitant une hospitalisation après une vaccination avec Pfizer ou Moderna que d’être hospitalisés avec COVID-19. Quel crédit peut-on apporter à cette information ? Car, cette dernière a inquiété des millions de parents de par le monde.

Le fait que ce soit un preprint est une première source de méfiance. Une seconde source de méfiance tient au fait que l’on utilise la base de données VAERS. Or, on sait que cette dernière ne rapporte que de l’information brute. Après lecture, je constate aussi que l’on manipule beaucoup de chiffres dans cette étude. Cela déplaît bien évidemment à mon intuition. Pourquoi a-t-on besoin de chiffres pour arriver à une conclusion « évidente » ? À savoir qu’il est dangereux de vacciner des enfants âgés de 12 à 17 ans contre une maladie très rare dans cette tranche d’âge. Mon opinion est donc faite. Cet article est douteux et il me semble relever plus de l’idéologie que de la science. C’est à ce point que je peux me permettre d’utiliser des chiffres pour confirmer mon intuition.

Où les chiffres rentrent en jeu

J’applique alors la routine décrite dans la chronique n°22, ou bien dans la vidéo intitulée « crédibilité scientifique » sur l’application Vicky. Trois auteurs sur 4 ont de fait un profil dans le moteur de recherche Google Scholar. Voici les résultats :

Tracy Beth Høeg : P = 30, C = 288, h = 6, hm = 14, n = 11 (2012-2021), m = h/n = 0,54

Allison Krug : P = 8, C = 30, h = 3, hm = 1, n = 11 (2012-2021), m = h/n = 0,27

John Mandrola : P = 59, C = 611, h = 11, hm = 19, n = 7 (2014-2021), m = h/n = 1,57

Pas vraiment de quoi grimper aux rideaux. Rappelons, que seul l’indice ‘m’ permet de comparer des chercheurs d’âges différents. On a donc affaire à deux jeunes chercheurs peu expérimentés, Tracy et Allison, dont l’indice ‘m’ est largement en dessous de 1. Il y a aussi un chercheur expérimenté, John, ayant une bonne activité, mais qui n’est pas exceptionnelle (m < 2). Bref, rien de bien inquiétant de ce côté-là. Tous sont de vrais scientifiques. On aurait simplement aimé, vu l’importance de la conclusion, avoir des chercheurs avec un peu plus de bouteille.

Le vilain petit canard

Par contre, il y a un gros souci avec le quatrième auteur, Josh Stevenson. Ce dernier n’est visiblement pas référencé dans Google Scholar. Ce qui n’est pas très bon signe pour un article qui se veut scientifique. Il faut donc se référer à son affiliation déclarée : « Truth in Data », LLC, Nashville, Tennessee, USA. Là je disjoncte, car ce monsieur prétend trouver la vérité grâce à des données chiffrées. De plus, la société pour laquelle il travaille a été fondée il y a seulement un an et un mois. Elle est dirigée par Joshua Stevenson Stevenson, probablement la même personne que l’auteur. Bref, une société née en pleine folie COVID-19. Mon impression finale est donc que cet article a surtout été écrit pour faire du buzz sur la toile. Et, cela a plutôt bien fonctionné. Les auteurs, des chercheurs en herbe, veulent visiblement attirer le feu des projecteurs médiatiques sur eux. Ceci afin d’augmenter leur salaire ou leur statut social.

Le côté scientifique est, pour sa part, nul ou quasi inexistant. Car, faire de la science, ce n’est pas simplement manipuler des chiffres et tirer des conclusions. Il faut aussi donner des explications et replacer les chiffres dans un contexte théorique clairement identifié. Ici, on est dans ce que l’on appelle le « data mining ». On espère pouvoir trouver dans une masse de données brutes des tendances qui serviront de base à toute action future. Ceci, hors de tout contexte théorique et sans référence aucune à l’intuition. Pour ce qui me concerne, c’est là où le bât blesse. Puisque comme le dit si bien Rabelais : « Science sans conscience, n’est que ruine de l’âme ». Je reviendrais sur cet aspect fondamental, généralement négligé, de l’activité humaine dans ma prochaine chronique.

Par Marc HENRY

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