82·Le prix de l’ignorance

82·Le prix de l’ignorance

De l’importance de la lecture

Cette chronique est consacrée à un sujet grave : l’ignorance. A priori le problème est insoluble. Car, si l’on ignore que l’on est ignorant, comment s’en sortir ? Une solution à cette question de fond sera apportée lors de l’invention de l’écriture. E,t donc du livre invitant à lire. Une autre solution s’appelle « l’éducation » impliquant un maître et ses élèves. Mais, là, c’est beaucoup plus dangereux, car, rien n’empêche le « maître » d’être lui-même un ignorant qui croit savoir. Pris au piège de l’ignorance, un bon orateur s’en tirera toujours par une pirouette. Ou bien par un trait d’humour qui fera oublier qu’en vérité, il ne sait pas grand-chose.

En revanche, quand on écrit un livre, l’humour passe très mal. Et, Il vaut mieux ne pas être pris en flagrant délit d’ignorance. Car, là, vous perdez toute crédibilité auprès d’un lecteur averti. Lire, relire et encore lire est un excellent moyen de lutter contre l’ignorance. Si, vous préférez, quand vous allez chez une personne, essayez d’entrevoir l’ampleur de sa bibliothèque.

Par exemple, chez moi, il y a des livres partout et sur tous les sujets. Depuis les romans policiers jusqu’à la série en 54 volumes des « Britannica Great Books ». Série achetée à crédit dès que j’ai touché mon premier salaire de chercheur. La Bible côtoie facilement l’ « Encyclopedia Universalis » ou l’ « Encyclopedia Britannica ». J’ai aussi une flopée de livres sur l’astrologie ou la numérologie. Mais, aussi, beaucoup de livres d’art et encore plus de livres de science, ainsi qu’une pléthore de traités mathématiques. Comme je l’ai dit, mes étagères débordent de tout ce que j’ai lu dans ma vie. Ceci pour dire que la probabilité que je sois en fin de compte ignorant est assez faible.

Un passé télévisuel

En vérité, je n’ai aucune gloire à tirer de cela puisqu’en j’ai démarré en sciences, internet n’existait pas. Or, aller en bibliothèque m’était pénible (j’aime la solitude). J’achetais donc livre sur livre, aussitôt dévorés une fois ramenés chez moi. Puis, soigneusement rangés par thèmes pour y avoir accès à tout moment. Lorsqu’il s’avérait nécessaire d’argumenter mon discours par une citation. Un jour, je partirai pour un monde dit « meilleur ». Ce sera donc à mes enfants et petits-enfants de gérer cet immense fond de livres. Livres traitant de tous les sujets possibles et imaginables. 

Pour les jeunes d’aujourd’hui qui liront cette chronique, ils doivent savoir que la télévision existait déjà. Elle était en noir et blanc, bien sûr, et je n’avais pas le droit de regarder les « actualités ». Mon royaume d’enfant, c’était le Petit Manège Enchanté avec les « tournicotis — tournicotons » de Zébulon et Saturnin le petit canard. La série d’action, c’était « Zorro » avec le tonitruant sergent Garcia et le toujours souriant Diego de la Vega. Pour le reste, c’était au lit en compagnie de Nicolas et Pimprenelle et Ulysse le marchand de sable…  Rien de bien méchant, et surtout, rien qui ne vous détourne de la lecture.

Ignorance et citations

Première illustration de la puissance de l’ignorance. Voici une citation très célèbre. Elle est généralement attribuée au philosophe musulman Abû’ Walid Muhammad Ibn Rushd. Philosophe plus connu en occident sous le nom d’Averroès (1126-1198) :

« L’ignorance mène à la peur.
La peur mène à la haine.
La haine conduit à la violence.
Voilà, l’équation. »

Cette citation est généralement reprise en boucle sur internet. Elle va être une bonne illustration du danger qu’il y a à cultiver l’ignorance. Car, il y a les très beaux discours égrenés par les uns et les autres sur l’atroce guerre israélo-palestinienne. Guerre qui déverse chaque jour sa dose d’horreur sur les réseaux sociaux. Or, le fond du problème est toujours et a toujours été l’ignorance.

Seulement voilà, la question qui tue : cette citation est-elle bien attribuable à Averroès ? Si oui, il suffit, pour la valider, de l’accompagner du titre de l’ouvrage d’où elle a été tirée. Avec, bien sûr, l’année de parution et la ville dans laquelle a été imprimé le livre. Or, impossible de trouver un quelconque écrit d’Averroès où cette belle et juste analyse est présentée. Et, c’est à ce point précis qu’une petite clochette doit se mettre à raisonner dans votre tête. Citer une sommité historique sans donner la source exacte de sa citation, c’est fabriquer de l’ignorance. Il vaut mieux le savoir afin de ne pas passer pour un idiot, ou bien un crétin fini. 

Emmanuel Macron, toujours lui…

C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à notre actuel président de la République. Cet idiot a cru bon de répondre aux accusations d’islamophobie. Accusations lancées le même jour par le quotidien britannique “The Financial Times“. Ainsi, dans sa lettre de réponse du 4 novembre 2020, il conclut pensant démontrer toute l’étendue de son immense culture :

« Car comme l’écrivait Averroès : l’ignorance mène à la peur. La peur mène à la haine. Et, la haine conduit à la violence ». 

Là, cela devient vraiment sérieux. Car, je rappelle, pour ceux qui l’ignorent encore, que M. Emmanuel Macron détient un pouvoir meurtrier énorme. Celui de pouvoir de déclencher, quand il le veut, un enfer nucléaire grâce à un simple coup de fil. Il vaut mieux donc qu’une personne disposant d’une puissance aussi démesurée soit un « sachant » et non un « ignorant ». Or, un vrai « sachant », comme je le suis, aurait évidemment donné une source précise et vérifiable. Toutefois, un véritable « ignorant », comme M. Macron, croit tout savoir. Il se contente donc de reprendre la citation. Et, de citer juste un nom, le plus illustre possible, pour étayer sa position.

Eh bien, je vous le donne en mille. Comme des millions d’internautes, peut-être avez-vous repris cette phrase dans votre fil d’actualité. Ce faisant, M. Macron a seulement démontré qu’il était un ignare de première classe. Un être fabricant à tour de bras de l’ignorance, comme d’autres impriment de la fausse monnaie. Et, dire que cet individu gouverne la France, une puissance nucléaire de calibre mondial. Voilà donc comment arrive la guerre chez vous, même si vous la rejetez de toutes vos forces. L’ignorance a fait son travail et il faut maintenant en payer le prix.

Fabrique de l’ignorance via le bouton “Partager”

J’aimerais donc bien que tous ceux qui liront cette chronique, comprennent ceci. Tout relais d’une information non sourcée de manière précise, fabrique de l’ignorance. Ignorance qui génère de la peur. Et, peur qui conduit à la haine et alimente toute forme de violence. Le mécanisme est redoutablement efficace et imparable. Une fois atteint un niveau critique d’ignorance, il devient difficile d’éviter la guerre, les larmes et le sang qui coule. Il aurait fallu travailler bien plus en amont en évitant de relayer des choses dont l’origine est douteuse.

Le pire, c’est qu’avec les réseaux sociaux et le fameux bouton « Partager ». Ici, fabriquer de l’ignorance est devenu très facile en quelques mouvements de doigts. On croit ainsi bien faire, alors que l’on démontre simplement que l’on est ignorant. Et, surtout, on laboure le terrain pour les vrais manipulateurs pervers. Ceux qui utilisent l’information pour alimenter la haine et la guerre un peu partout dans le monde. Libre à vous de participer, en tant qu’ignorant de base, à ces efforts de guerre insidieux et pervers.

La solution ? Être un « sachant » et non un « ignorant » en recherchant la source dans laquelle l’information a été publiée la première fois. Car, si l’information est bonne et valable, la source existe. Il ne peut pas en être autrement. Dans les milieux universitaires et/ou savants, on appelle cela « l’hygiène intellectuelle ». Un truc de base qui vous ridiculise à jamais. Si, d’aventure, vous vous aventurez sur ce terrain extrêmement glissant de la citation non sourcée.

Rechercher la source

Dans le cas présent, on a un lien très intime entre ignorance et guerre. Il ne m’a pas été vraiment très difficile de trouver une source. Et, on est très loin d’Averroès, philosophe musulman du XIIe siècle. Il fut considéré, vers la fin de sa vie, comme un hérétique. Aussi bien par les musulmans que par les chrétiens. Car, à l’époque, c’était la chrétienté qui était en guerre ouverte contre l’islam. Ainsi, après une minute de recherche sur Google, je suis tombé sur cet article de la revue « Philosophie Magazine ». Article qui révèle pot aux roses. selon le spécialiste de philosophie arabe Jean-Baptiste Brenet, voici la citation la plus ancienne. Celle qui se rapproche le plus de ce que l’on voit sur internet. On la trouve dans une édition de 1947 de « The Living Church », un magazine anglican. J’ai reproduit l’extrait en question avec son véritable contexte ci-dessous.

Guerre froide

Car, en 1947, l’inquiétude, c’est de voir surgir dans l’avenir un conflit nucléaire dévastateur entre les USA et l’URSS. On appelait cela « La guerre froide » avec une course au développement de l’arme nucléaire par les deux vainqueurs du nazisme. Tout le monde était inquiet. Et, comme à leur habitude, les autorités religieuses des deux camps faisaient tout pour calmer le jeu. D’où cette analyse très juste de cet engrenage infernal. Engrenage qui démarre avec l’ignorance et se termine toujours par une guerre meurtrière.

Comme l’explique très bien Jean-Baptiste Brenet, on retrouve en 1999, une variante dans la bouche de Maître Yoda. Le célèbre personnage de la fiction « Star Wars »  : « L’ignorance mène à la peur. La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la colère mène à la souffrance. » Le musicien de blues Daryl Davis recompose la formule dans sa conférence TED de 2017 : « L’ignorance nourrit la peur. Si nous ne contrôlons pas cette peur, elle nourrira la haine, car nous haïssons ce dont nous avons peur. Si nous ne contrôlons pas cette haine, elle nourrira la destruction. » La même année, le cinéaste Michael Moore reprend lui aussi l’expression à propos de Donald Trump : « Telle est l’équation américaine : […] Rendez les gens ignorants. L’ignorance mène à la peur, la peur à la haine. Trump connait bien cette partie de l’équation. Et, la haine conduit à la violence. »

Guerre dans le monde occidental

Pendant ce temps, notre abruti de service qui dispose du feu nucléaire, continue à citer Averroès. Si j’étais vous, je serais inquiet d’avoir confié les manettes de la France à un être aussi inculte et ignorant. Car, il m’a fallu à peine une minute pour trouver une source crédible à cette citation. Alors que je suis simple professeur honoraire à la retraite. Évidemment, quelques secondes auraient suffi, à un être sérieux disposant de tout un staff de communication au Palais de l’Élysée. Mais, non, il a choisi d’étaler son ignorance au grand jour, ridiculisant ainsi la France sur le plan international. Pour nous, personnes adeptes de l’hygiène intellectuelle, c’est à se taper la tête contre un mur.

Comment peut-on être aussi bête et fainéant à ce niveau du pouvoir ? Je vous laisse juge du niveau d’ignorance dans lequel se complaît notre société moderne occidentale. D’où la guerre, pour l’instant hors des USA et plutôt en Europe et au Proche-Orient. Mais, l’engrenage est implacable et, tôt ou tard, les USA doivent s’attendre à des retours de manivelles sur leur sol. Reste à savoir quand cela arrivera, sachant qu’entre-temps l’Europe aura déjà été totalement réduite à néant. Si cet avenir vous effraye vraiment, faites alors tout pour qu’il y ait moins d’ignorants et plus de sachants. Désamorçons la bombe pendant qu’il en est encore temps. Certains appellent cela un « éveil de la conscience ». Et, œuvrent sans relâche, comme je le fais ici depuis 2020 avec ces chroniques.

Manipuler l’information

Maintenant, vous êtes bien chauds et bien rodés. Vous savez que tout ce qui vient des médias ou du pouvoir en place, doit être pris avec des pincettes. Car, l’autre arme de l’ignorance, c’est la manipulation de l’information. Ici, le sujet est tellement sérieux qu’il mérite qu’on s’y arrête un moment. Comme toujours, une question simple, mais qui dérange : « Qu’est-ce qui fait que l’univers nous apparaît tel qu’il est ? ». Si vous ignorez comment répondre, c’est que vous êtes, bien sûr, ignorants.

Maintenant, vous pouvez allumer la télévision ou surfer sur internet. Certains qui prétendent savoir, les « pseudo-sachants », vous diront que c’est l’énergie par exemple. En vérité, pour certains, tout ne serait qu’énergie et celui qui maîtrise l’énergie, maîtrise le monde. Grâce à l’énergie, n’importe quelle maladie pourrait être guérie. Et, en général, pour bien appuyer, on retrouve toujours la même photo de l’ingénieur Serbe Nikola Tesla (1856-1943). Et, si cela ne suffit pas, on rajoute celle d’Albert Einstein (1879-1955). Qui, comme chacun le sait, était meilleur apiculteur que physicien. Toujours cette même fabrique de l’ignorance à l’œuvre. Qui conduit inlassablement tout peuple rêvant de paix et d’amour vers la guerre. Vous voulez des preuves ? Allons-y…

Équivalence masse-énergie

Par exemple, savez-vous qui le premier a évoqué que la masse puisse être de l’énergie ? Si vous dites : « Albert Einstein », vous venez, une fois de plus, d’étaler votre incommensurable ignorance. Car, le premier à évoquer cette possibilité fut Sir Isaac Newton, dès 1704, dans son fameux traité « Opticks ». Newton évoquait la possibilité que la matière se convertisse en lumière et réciproquement. “Un corps grave et la lumière ne sont-ils pas convertibles l’un dans l’autre ?”. L’idée n’avait donc vraiment rien de révolutionnaire en ce début du XXᵉ siècle. Elle a d’ailleurs été reprise à la fin du XIXᵉ siècle. Ceci pour clarifier les mystères des processus radioactifs, qui défiaient toutes les énergies connues à l’époque.

Ainsi, dans son livre, « Physique de l’éther » de 1875, le physicien anglais S. Tolver Preston suppose que la matière puisse être convertie en énergie. En 1903, l’industriel italien Olinto de Pretto propose que cette transformation soit régit par la formule E=mc² (De Pretto, O. (1904), “ Ipotesi dell’etere nella vita dell’universo ”, Reale Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, Feb. 1904, tomo LXIII, parte II, pp 439-500). Dans son livre, “L’Évolution de la matière“, paru en 1905, le physicien et sociologue français Gustave Lebon (1841-1931) reprend l’idée. Il suppose que la désintégration totale de la matière en lumière fournit l’énergie cinétique ½mc² selon la formulation classique. Il fut aussi le premier à imaginer une bombe basée sur une telle désintégration.

Poincaré versus Einstein

Nous sommes maintenant en 1898. Dans un cours professé à la Sorbonne, reformulé en 1900 dans un mémoire oublié aujourd’hui. Le cours est intitulé « La théorie de Lorentz et le principe de l’action et de la réaction ». Le grand mathématicien français, Henri Poincaré, y tente de sauver le principe d’inertie. Il part d’un élément de volume renfermant une énergie électromagnétique dE. Alors, il démontre que le fluide électromagnétique doit être considéré comme doté d’une masse dm = dE/c². C’est de nouveau, l’équivalence énergie/matière de Newton reformulée mathématiquement par un très grand mathématicien. Puis, la même année arrive Albert Einstein, qui dans son troisième papier arrive au même résultat que Poincaré.

Mais, via une démonstration reconnue comme fausse aujourd’hui (Ives H. (1952) : “ Derivation of the mass energy relation ”, J. Opt. Soc. Americ. 42, 8, 540-543). Et, qui retient-on pour la découverte de cette équivalence énergie/matière ? Albert Einstein, celui qui a bricolé un raisonnement tautologique mathématiquement faux. Seuls quelques « originaux » font valoir que c’est bien Henri Poincaré, celui qui a raisonné juste, qui devrait être célébré. Quand je vous dis que l’ignorance est à l’œuvre partout, je ne plaisante pas. D’autant plus, que ce n’est pas le concept d’énergie qui fait fonctionner l’univers, mais bien le concept d’entropie. Concrètement, l’on parle toujours d’énergie et très rarement d’entropie. Ceci est une nouvelle preuve du fait que l’on croit savoir des choses. Alors qu’à vrai dire, on est profondément ignorant.

Radio, télévision et internet

Inutile de culpabiliser. Il est tout à fait normal de penser que l’on sait une multitude de choses. Alors qu’en vérité, on est ignorant. Ce qui est anormal, c’est de rester dans cet état-là passé la soixantaine. Car, à cet âge, on aurait dû avoir lu un grand nombre de livres comme je l’ai fait. Seul moyen de lutter de manière efficace contre l’ignorance. Et, je dis bien : « lire », pas écouter la radio, regarder la télévision ou surfer sur internet. Parce que, l’ignorance est tenace. Seule la lecture lente et méticuleuse sur du papier permet à l’esprit de faire la part des choses. Car, il y a ce qui est écrit et ce que l’on a dans sa tête.

Avec l’audio ou la vidéo, cela va beaucoup trop vite. Tout ce que le cerveau peut faire, c’est stocker sans chercher à comprendre. Afin de pouvoir, éventuellement, traiter plus tard. Seulement voilà, vous en remettez une nouvelle couche via internet toutes les heures. Puis, une autre couche, tous les soirs, via la télévision. Ceci fait que tout ce fatras ne pourra jamais être analysé sereinement et intelligemment par le cerveau. Vous devenez progressivement, sans vous en rendre compte, une personne qui sait beaucoup de choses. Mais, qui reste, au fond, un parfait ignorant.

Apprendre à apprendre

Aucun risque de ce côté-là avec la lecture. On peut arrêter de lire à tout moment pour réfléchir, méditer, analyser ce qui vient d’être lu. Ou bien, ce qui avait déjà été lu, et que la nouvelle lecture ramène à la surface. Un livre reste là, même s’il n’y a plus de courant électrique disponible. Le seul truc qu’il craint vraiment : c’est le feu. Mais, s’il y a réellement le feu chez vous, là, agissez très vite pour sauver le maximum de livres.

Je pense que vous commencez à comprendre le danger qui guette nos enfants ou nos petits-enfants. Ce danger, c’est de ne plus lire suffisamment. Bien sûr, ils le font encore très bien à l’école. Mais, pour combien de temps encore ? Le tout numérique, véhicule privilégié de l’ignorance, s’impose de nos jours partout et dès le plus jeune âge. Pour Noël, offrez des livres et pas des outils numériques. Ou bien alors, ne soyez pas outre mesure surpris si, un jour, une bombe éclate dans votre salon. Ou bien, que votre belle maison soit réduite en poussière par un bombardement.

Car, certains payent, aujourd’hui, la révolution numérique qui a débuté dans les années 80. C’est peut-être injuste, mais lorsque l’ignorance s’accumule, il faut bien passer à la caisse quelque part dans le monde. Et, comme toujours, c’est le plus précaire et le plus fragile qui passe en premier à l’abattoir. Mais, si l’on ne réagit pas, le plus stable et plus nanti devra aussi y passer tôt ou tard. Cela a été pendant des siècles. Et, persistera encore durant des siècles tant que l’être humain n’aura pas appris à apprendre. Bref, lutter contre l’ignorance à tout prix. 

Qu’est-ce que l’entropie ?

Allez, le sujet est tellement grave que je vais en mettre une seconde couche. Au départ, toujours une question simple : qu’est-ce que l’entropie ? Mais, attention, avant de répondre, réfléchissez bien et commencez par vérifier que vous n’êtes pas un ignorant qui s’ignore. Sachez aussi qu’il y a deux réponses possibles. La première se place dans le cadre de la physique classique. Une forme sophistiquée d’ignorance, mais extraordinairement utile et efficace pour les choses qui relèvent de la matière. L’autre réponse implique la physique dite « quantique ». Et, pour l’instant, en attendant mieux, c’est celle qui est la moins ignorante de la réalité des choses. Prêts ? Ainsi, voici ce que j’ai pu relever sur un site intitulé « Connaissance des énergies » :

« L’entropie est la dernière et la plus mystérieuse des cinq grandeurs physiques (température, pression, volume, énergie interne, entropie) définissant l’état d’un système thermodynamique, c’est-à-dire d’un ensemble matériel délimité capable d’échanger de la chaleur et du travail avec le milieu extérieur. »

Chaleur et travail

Vous voyez, le truc qui fait tourner tout l’univers, l’entropie, apparaît en toute dernière position. Et, on la qualifie de « mystérieuse ». Autre manière d’avouer que l’on est totalement ignorant sur la vraie nature de sa réalité physique. En vérité, la première définition de l’entropie est tout à fait correcte. Elle a été énoncée en 1865, par son inventeur, le physicien et mathématicien allemand Rudolf Julius Emanuel Clausius (1822-1888). C’était l’époque des machines à vapeur. Et, là, à une pression P donnée, toute variation de volume ∆V, correspondait à un travail mécanique ∆W = -P·∆V.

On savait également, qu’une machine à vapeur, ça chauffe. Et, que lors de tout transfert de chaleur ∆Q on pouvait produire un travail mécanique ∆W = k×∆Q. Ici, le facteur k est une constante empirique appelée « équivalent mécanique de la chaleur ». Sa valeur dépend des unités de mesures utilisées pour quantifier la quantité de travail W et quantité de chaleur Q. Cette constante était connue dès 1843. Grâce au travail du physicien, mathématicien et brasseur de bière britannique James Prescott Joule (1818-1889). Pour une chaleur mesurée en calories (cal), le travail en joule (J) était tel que 1 cal ≈ 4,18 J.

D’où l’idée géniale de Rudolf. Car, on sait que pression P et volume V sont liés par un travail W. D’où l’idée que la chaleur Q à une température T donnée, permet de produire, elle aussi, un travail,. Il devait donc exister une fonction d’état S, qu’il baptisa « entropie », telle que : ∆W = S·∆T.

Les deux principes de la thermodynamique

Vous voyez, il n’y a absolument aucun mystère là-dedans. On produit du travail. Et, pour avoir un traitement théorique symétrique entre pression et température, on introduit, à côté du volume, la notion d’entropie. Un pas de géant est ainsi accompli. Il va signer le démarrage de toute la révolution industrielle du XIXᵉ siècle. Celle qui allait changer à jamais la face de notre planète. Car, l’entropie, c’est du lourd. Au XXᵉ siècle, s’aperçoit que cela fait fonctionner, non seulement, les machines à vapeur, mais également toute cellule vivante. Ainsi que l’univers dans son entier.

C’est tout le sens des deux fameux principes de la thermodynamique. Principes énoncés de manière très synthétique dès 1865 par le brave Rudolf : « Die Energie der Welt bleibt konstant. Die Entropie der Welt strebt einem Maximum zu ». Pour ceux qui ne comprennent pas l’allemand, voici une traduction possible : « L’énergie de l’univers est constante. L’entropie de l’univers tend vers un maximum. » Par conséquent, le truc qui fait de vous un être vivant et conscient, apparaît en seconde position. Ceci pour des raisons purement historiques, Et, ici, de nouveau, entre en jeu le mécanisme pervers de croissance de l’ignorance. Parce que l’entropie est définie après l’énergie. Tous les ignorants en déduisent vaillamment que l’énergie est primordiale. Alors que l’entropie est un concept dérivé, secondaire, et donc de peu d’importance.

Théorème de Noether

À vrai dire, ce qu’il faut retenir, c’est que chaleur et travail sont des choses bien concrètes. En revanche, l’énergie est une notion purement intellectuelle. De fait, une explication scientifique de la notion d’énergie a toujours été étroitement liée à la notion de conservation. Car, dans tout mouvement, il est évident que des configurations spatiales changent. Et, ce qui change constamment déconcentre l’esprit humain. Le cerveau a donc toujours tendance à rechercher dans tout ce qui bouge quelque chose qui reste invariant.

La grande idée arrive au bout d’une centaine d’années de tâtonnements. Grâce au théorème de Noether, on comprend que l’énergie est la quantité conservée associée à la symétrie de translation temporelle. Fondamentalement, cela signifie que l’énergie n’est pas liée à notre monde physique. Mais, qu’il s’agit d’une chose mathématique totalement abstraite qui ne pourra jamais être mesurée. La seule chose que l’on pourra expérimenter et mesurer, est toujours une différence d’énergie entre deux états. Et, cette différence d’énergie se manifeste, soit sous forme de chaleur, soit sous la forme d’un travail.

Conclusion

Alors, considérons ce genre de citation :

« Si vous voulez trouver les secrets de l’univers, pensez en termes d’énergie, de fréquence, d’information et de vibration ».

Elle est généralement attribuée à Nikola Tesla, et j’y vois surtout une profonde ignorance. Tout d’abord, évidemment, aucune source précise et fiable. Cela commence à sentir mauvais. Ensuite, on mélange tout. Des choses purement abstraites (l’énergie) avec des choses bien concrètes (la vibration, la fréquence). Et, aussi, de l’information, concept relié à la notion d’entropie, et non à la notion d’énergie. Un tel niveau d’ignorance se propage, bien sûr, de manière virale sur internet. Et, je me dis que l’on n’a pas fini de se faire la guerre un peu partout dans le monde…

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