Eau terrestre

Eau terrestre

Dégazage catastrophique

L’hypothèse la plus communément acceptée pour l’origine de l’eau océanique est que toute la masse d’eau présente de nos jours était déjà présente juste après la formation de la planète. On sait, par exemple, que la croûte continentale contient 1% d’eau. Elle se trouve sous la forme d’eau juvénile à la surface ou à l’intérieur de minéraux hydratés. Or, la croûte continentale a une masse de 2,4 x1022 kg. Donc, même si l’on suppose une érosion quantitative de toute la croûte cela ne représente que 10% de l’inventaire terrestre. Une autre solution peut provenir du volcanisme qui rejette dans l’atmosphère d’énormes quantités de CO2 et de vapeur d’eau. Ainsi que de petites quantités de sulfates, d’azote et de gaz nobles.

On sait qu’un dégazage catastrophique d’espèces volatiles a eu lieu durant les 100 millions d’années après l’accrétion de la Terre. Ceci est démontré par l’analyse des gaz nobles primordiaux dans le manteau rocheux au niveau des dorsales basaltiques. Il y a aussi l’analyse des diamants et des xénolithes. Car, ces derniers sont constitués de deux roches différentes, les basaltes et les péridotites. Enfin, la découverte de radionucléides éteints (système Pu-I-Xe) confirme le tableau. Le fait qu’un gaz noble comme le néon ait une composition isotopique similaire à celui du soleil est une autre preuve d’un dégazage de gaz primordiaux. À savoir, ceux capturés durant la formation de la Terre à partir de la nébuleuse proto-solaire.

Signature isotopique de l’eau de mer

Par comparaison avec ces gaz nobles, il est communément admis que la majorité des volatils (N, C, O, H) ont une origine similaire. Toutefois, le fait que la Terre soit assez proche du Soleil implique des températures de condensation relativement hautes. De fait, ceci ne permet pas l’incorporation d’éléments très volatils tels que N, C, O et H. De plus, les conditions rédox dans cet endroit du Système Solaire ne permettent pas à l’eau de se former. Cela suggère donc une autre origine pour l’eau océanique. Ceci est d’ailleurs confirmé par la signature isotopique (D/H = 155,7×10-6, δD = 0‰) de l’eau de mer moderne.

Réservoirs terrestres
SMOW = Standard Mean Ocean Water ou Eau Océanique Moyenne Standard

La table ci-dessus met cela en évidence. En effet, le rapport D/H est très variable dans le Système Solaire. Ainsi, il augmente lorsque l’on s’éloigne du Soleil. Ceci en raison d’un enrichissement progressif en deutérium provoqué par des interactions ions/molécules avec le milieu interstellaire.

Nébuleuse proto-solaire

Le rapport D/H de la nébuleuse proto-solaire a été estimé à (21 ± 5)x10-6. On s’est basé sur la composition isotopique de l’hélium solaire, ainsi que sur la composition isotopique de l’hydrogène moléculaire dans les hautes atmosphères des planètes géantes. Cette valeur est 7 fois plus faible que la valeur océanique. Des modèles de la nébuleuse proto-solaire ont montré que seuls des planétésimaux formés dans la région de Jupiter-Saturne et dans la ceinture d’astéroïdes extérieure pouvait avoir des rapports D/H voisins de ceux mesurés dans les océans. Deux seuls corps planétaires peuvent donc être à l’origine de l’eau : les comètes et les chondrites carbonées hydratées.

Les comètes sont des corps composés de glaces à base d’eau, de méthanol, de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone. Au sein de cette matière glacée, on trouve des particules de silicates, de carbone et de matières organiques. Ces comètes proviennent du nuage d’Oort localisé dans la région extérieure du Système Solaire. Ils contiennent principalement des planétésimaux qui se trouvaient initialement dans la région d’Uranus-Neptune. Mais, d’autres proviennent de la ceinture de Kuiper primordiale.

Les chondrites carbonées hydratées

Les météorites chondritiques sont des météorites pierreuses ayant moins de 35 % de métal. On y trouve des chondres, qui sont des billes de silicates de quelques millimètres. Ces billes se sont formées lors de la condensation de la nébuleuse solaire il y a environ 4,56 milliards d’années. Parmi les météorites les plus primitives, les chondrites carbonées contiennent une large quantité d’eau : jusqu’à 22g pour 100g de roches. Actuellement, ce type de météorites est rare constituant seulement 4% des météorites tombant sur la Terre. Toutefois, leur réservoir extra-terrestre semble assez considérable.

On en trouve ainsi un grand nombre dans la ceinture extérieure d’astéroïdes localisée entre Mars et Jupiter à 2 UA du Soleil. On y trouve ici la source principale de météorites arrivant actuellement sur Terre. Le sol lunaire contient entre 1 et 2% de ces chondrites carbonées. Le plus grand flux de matière extra-terrestre atteignant actuellement la Terre au niveau de l’Antarctique est de 40 000 tonnes par an. Ce sont des micrométéorites de type chondrites carbonées hydratées. Comme le montre le tableau précédent et la figure suivante, le rapport D/H des eaux océaniques et celui de la Terre entière se trouve être assez proche de celui que l’on trouve dans les chondrites carbonées.

Comètes ?

Le rapport D/H des comètes semble quant à lui 10 à 20 fois supérieur au rapport D/H de l’hydrogène moléculaire dans la nébuleuse proto-solaire. Il est aussi 2-3 fois supérieur à celui de l’eau de mer moderne. Ceci suggère que les comètes n’aient pas contribué de manière significative à la délivrance de l’eau sur la Terre. De fait, un bilan de masse montre que la quantité d’eau délivrée par les comètes sur la Terre est de l’ordre de 10 à 15% du total disponible. Les défenseurs de l’hypothèse d’une origine cométaire de l’eau estiment pour leur part que les rapports D/H mesurés correspondent à des comètes de longue période. Comme la comète de Halley qui se caractérise par un rapport de (316 ± 34)x10-6 .Il y a aussi la comète de Hyakutake, (290 ± 100)x10-6 et celle de Hale-Bopp, (320 ± 120)x10-6. Ces comètes se sont probablement formées dans la région d’Uranus-Neptune. Ou bien alors dans la région trans-Uranienne. Ceci expliquerait le très fort enrichissement en deutérium mesuré.

L’eau pourrait provenir de comètes formées dans la région de Jupiter où règne une température plus haute (100 K). On s’attend alors à des rapports D/H plus faibles en raison de l’échange avec l’hydrogène proto-solaire. Toutefois, il se trouve que ces comètes ont une durée de vie très brève (150 000 ans). Ceci diminue donc la probabilité d’impact avec une Terre en accrétion. Par conséquent, il semble que cette hypothèse cométaire ne soit pas tenable en l’état actuel des connaissances. On voit donc que le débat est loin d’être clos,.

Ou petits astéroïdes ?

L’hypothèse la plus couramment admise est que 90% ou plus de l’eau que l’on trouve sur Terre a été apportée par de petits astéroïdes Troyens. En effet, ceux-ci ont une composition chondritique et proviennent de la ceinture d’astéroïdes extérieure. L’époque de délivrance est très probablement à la fin de l’accrétion de la Terre. La présence de quantités anormales d’éléments sidérophiles dans le manteau terrestre est en faveur d’une telle hypothèse. Les sidérophiles sont, en effet, des éléments du groupe du platine. Ils auraient dû migrer vers le noyau durant la différentiation primaire de la Terre. Ceci, en même temps que l’alliage Nickel-Fer (Ni-Fe). Or, il se trouve qu’une quantité non négligeable de ces éléments est encore présente dans le manteau. Ceci ne peut être expliqué que par une addition tardive, après la formation du noyau et la séparation du manteau.

On estime à 50 millions d’années la formation du noyau terrestre. Ceci, juste après la condensation à partir de la nébuleuse proto-solaire. L’abondance relative des sidérophiles dans le manteau est en fait très similaire à celle des météorites primitives, comme les chondrites carbonées hydratées. Un bilan de masse suggère un flux météoritique équivalent à 4,5×10-3 de la masse terrestre (6×1024 kg). Ceci pourrait expliquer la délivrance tardive des éléments sidérophiles dans le manteau. On sait que les chondrites carbonées hydratées peuvent contenir de 6 à 22 pds% d’eau. Un flux de telles météorites aurait ainsi pu délivrer à la Terre 1,6-6,0×1021 kg d’eau. C’est à dire de 1 à 4 fois la masse océanique actuelle (1,4×1021 kg). L’origine de l’eau sur Terre ayant été quelque peu clarifiée, voyons maintenant à quelle époque sont apparus les océans.

Référence

Daniele L. Pinti (2005), «The Origin and Evolution of the Oceans», Lectures in Astrobiology, Vol. 1. M. Gargaud, B. Barbier, H. Martin & J. Reisse Eds, Springer-Verlag, New York, Berlin, p.83-112.

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